8/ Les mineur.e.s étranger.ère.s isolé.e.s trichent sur leur situation.
FAUX. Par Françoise DUMONT, présidente de la Ligue des Droits de l’Homme.
Le climat de suspicion qui sévit depuis plusieurs années en France tend à faire de tous les étrangers des fraudeurs dont le seul souci serait de profiter des avantages que leur procurerait leur statut. Les mineurs n’échappent pas à ces stéréotypes honteux et pourtant…Le recours aux tests osseux est aujourd’hui la méthode la plus utilisée pour déterminer l’âge des mineurs qui sollicitent la prise en charge par l’Etat au titre de l’enfance en danger. Ces tests sont pratiqués depuis plusieurs décennies sur les jeunes étrangers dont la minorité est mise en doute. Ils consistent essentiellement en une radiographie du poignet et de la main gauche de l’intéressé et de comparer ce document à un atlas de référence élaboré dans les années 1 930 à partir de radiographies d’enfants et d’adolescents américains blancs issus de classe moyennes. La liste est longue des institutions qui ont dénoncé le manque de fiabilité de ces tests osseux, dont il est avéré qu’ils intègrent une marge d’erreur d’au moins 1 8 mois. D’ailleurs, les conclusions des rapports médicaux s’expriment toujours sous la forme d’une fourchette approximative « entre 1 7 et 22ans ». Sage précaution mais lourdes de conséquences, puisque selon que le juge retient la fourchette basse ou la fourchette haute, la minorité du jeune est reconnue ou non et sa prise en charge acceptée ou rejetée. Parmi les institutions dénonciatrices de cette méthode, citons le Haut Conseil à la santé publique qui, en 2014, demandait carrément de la proscrire, mais aussi le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme…
L’autre élément qui peut amener à considérer que le jeune « ment » repose sur l’examen des actes d’état civil qu’il présente. Souvent, les papiers détenus par le jeune sont considérés, à priori, comme faux, alors même qu’ils sont rédigés selon la forme en usage dans le pays concerné. Par ailleurs et dans tous les cas, la charge de la preuve en cas de contestation relative à un acte d’état civil étranger repose sur l’administration, c’est à dire sur la partie qui conteste la validité de l’acte. Dans les faits, le jeune mineur se trouve pourtant sommé de démentir les accusations de « falsification » dont il fait l’objet, alors même que de par sa situation même, il est souvent bien démuni pour entreprendre de telles démarches.
Les mineurs isolés étrangers font aujourd’hui l’objet d’une véritable présomption de majorité. La France se grandirait en les créditant, au contraire, d’une bienveillante présomption de minorité.