10 réponses pour en finir avec les préjugés concernant la justice des Mineur.e.s !
7/ Les jeunes délinquant.es sont tou.te.s d’origine des quartiers populaires.
FAUX. Par Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherches au CNRS, rattaché au Laboratoire Méditerranéen de Sociologie (LAMES, Aix en Provence).
Il existe plusieurs formes de délinquance juvénile. Pour simplifier, on peut distinguer trois types de processus et de situations (voir L.Mucchielli, dir., La délinquance des jeunes, Paris, La Documentation française, 201 5). Une première forme, qu’on peut qualifier par exemple d’initiatique, implique des préadolescents et des adolescents originaires de tous les milieux sociaux, qui n’ont pas nécessairement de problèmes familiaux ni scolaires, mais qui, souvent sous la pression du groupe, commettent des transgressions. Bagarres, vols, dégradations… Les faits sont rarement graves mais cela concerne une bonne partie d’une classe d’âge.
Une deuxième forme peut être qualifiée de pathologique dans le sens où elle concerne au contraire une petite minorité de jeunes qui ont des problèmes d’équilibre psychologique et de contrôle des émotions.
Les causes sont d’ordre familial, elles s’enracinent dans diverses formes de carences et/ou de traumatismes vécues durant l’enfance (carences affectives précoces, violences psychologiques, physiques et/ou sexuelles…). Les psychologues en parlent mieux que les sociologues. Ces pathologies peuvent se rencontrer également dans tous les milieux sociaux mais elles sont plus fréquentes dans les familles pauvres car, comme l’ont montré de nombreuses études (récemment celles de Serge Paugam et ses équipes), la précarité dés insère les individus des normes et des rythmes de la vie sociale, elle les enferme dans leurs problèmes personnels et elle exacerbe les conflits conjugaux et familiaux.
Une troisième forme renvoie à ce que Denis Salas a appelé un jour la délinquance d’exclusion. J’entends par là les grands adolescents et les jeunes adultes qui font véritablement carrière dans la délinquance quelque part entre 1 5 et 30 ans, et qui constituent la « clientèle » ordinaire des services de police et de justice. Les jeunes de ce type sont clairement surreprésentés dans les quartiers populaires des villes et dans les familles pauvres des villages. La raison principale est qu’ils cumulent deux exclusions sociales.
La première est l’exclusion scolaire (ce sont des jeunes précocement en échec), la seconde l’exclusion économique (ce sont des jeunes qui n’ont pas de véritables perspectives d’insertion professionnelle donc d’intégration sociale). Et lorsque des jeunes cumulent le type 2 et le type 3 (gros problèmes familiaux + échec scolaire + absence de perspective d’insertion), l’on a alors affaire aux cas les plus lourds et les plus difficiles à prendre en charge quelles que soient les structures plus ou moins fermées qui les hébergent fréquemment. A ces facteurs structurels s’ajoute également un facteur résidentiel. Au sein même des milieux populaires, ce que l’on pourrait appeler l’« offre délinquante » est inégale selon les quartiers. Là où elle est la plus forte, les effets d’aspiration des jeunes les plus fragiles vers la délinquance est également la plus forte. Il en est d’ailleurs probablement de même avec les phénomènes de radicalisation.