Depuis la nomination de la première ministre, Élisabeth Borne, c’est avec consternation et colère que nous avons d’abord appris la reconduction d’un garde des Sceaux mis en examen pour des suspicions de conflits d’intérêts, puis l’arrivée au poste de secrétaire d’État à la protection de l’enfance de C. Caubel, directrice de la PJJ.

Le premier signe envoyé par le garde des Sceaux marque clairement une continuité. C’est en effet, au commissariat central de Bordeaux, en compagnie du ministre de l’intérieur, qu’il a étrenné son nouveau mandat, pour traiter de la question des mineur.es étranger.ères isolé.es. En arguant de l’importance de la loi du 24 janvier 2022 qui permet notamment la contrainte pour la prise d’empreinte digitale pour les mineur.es étranger.ères isolé.es, tous deux, main dans la main, ont tenu à rappeler que le gouvernement renforçait son action contre les actes de délinquance commis par ces mineur.es. Le ton est d’ores et déjà donné.

Comme si cela ne suffisait pas, s’en est suivie l’annonce de la promotion de la directrice de la PJJ, au poste de secrétaire d’État à l’enfance. Le président de la république entend faire de la protection de l’enfance une grande cause de son quinquennat, avec cette décision, c’est bien mal parti. À la PJJ, Madame Caubel a mis toute son énergie au service de la mise en place du CJPM, n’accordant aucun crédit à la parole des professionnel.les. Gageons qu’elle sera toute aussi dévouée dans ses nouvelles fonctions.

Arrivée en septembre 2020 à la PJJ avec une lettre de mission très claire sur la mise en place à marche forcée du CJPM et la multiplication des centres fermés et la mise au pas des personnels, elle en repart en laissant derrière elle une institution à bout de souffle, avec une perte de repères et du sens de ses missions éducatives. Une PJJ désormais inféodée aux Parquets et reléguée au rang d’exécutante des injonctions des juridictions. Entre une cacophonie dans l’organisation des services et une destruction progressive des collectifs de travail, l’épuisement des professionnel.les tous corps confondus, est manifeste.

La DPJJ est-elle consciente de cette situation ? Rien n’est moins sûr quand on fait le bilan de ces deux dernières années.

Désormais, les missions des services de milieu ouvert sont exercées dans certains territoires avec une soumission totale du temps éducatif au rythme judiciaire. Quand le temps de travail est embolisé par l’organisation autour de la procédure, par la rédaction infinie de rapports à écrire, par la multiplication des audiences, voire par la gestion logistique des peines de stage ou des travaux d’intérêt généraux, le temps de la rencontre avec les jeunes et les familles s’amenuise inexorablement.

L’état des foyers à la PJJ est aujourd’hui tout autant préoccupant. Est-ce que les Etats généraux du placement permettront de revenir à une conception éducative de l’hébergement quand la mission première d’un foyer de la PJJ est pensée comme une sanction ? Qui peut raisonnablement y croire ?

S’agissant de l’insertion, c’est à une instrumentalisation accrue au profit de la politique répressive que nous assistons. Les modules insertion encadrés par le CJPM viennent entériner ce dévoiement d’un outil bâti autour d’une relation de confiance déconnectée de la procédure judiciaire.

Quant aux lieux privatifs de liberté, chaque semaine la DPJJ nous gratifie désormais d’un nouvel épisode des bons élèves inaugurant, qui, un nouveau centre fermé, qui, un nouveau CER, en collaboration active avec les services des armées. Entre deux vidéos de propagande en séminaire de directeurs et directrices, placé sous l’égide d’un gradé de l’armée et d’une visite au pas de charge de C. Caubel au centre fermé de Châtillon sur Seine, en instrumentalisant honteusement les jeunes placés pour promouvoir le CJPM, le bilan en cette matière est là aussi consternant.

Alors, quand l’attractivité des métiers est enfin posée, c’est uniquement sous le prisme de l’augmentation des primes. Et lorsqu’une augmentation indiciaire est envisagée, elle exclut une partie des professionnel.le.s. Il en est ainsi du complément de traitement indiciaire (CTI) ou du projet de refonte de la NBI. Pour le reste, la politique salariale de la PJJ se cantonne à une intensification de la part indemnitaire dans le salaire, indexée de plus en plus à la manière de servir, à la prime au mérite, destructrice des collectifs de travail, et à la prime de tutorat sous forme d’entourloupe.

A cela s’ajoutent l’augmentation des recrutements de contractuel.les, sans véritable plan de formation et sans revalorisations décentes de leurs salaires, une charge de travail pour l’ensemble des personnels qui explose et un plan de requalification de catégorie C en catégorie B pour le corps des adjointes administratives totalement inacceptable.

Épuisement professionnel et perte de sens, le constat est accablant dans un nombre croissant de territoires. C’est dans ce contexte que la prochaine direction de la PJJ prendra ses fonctions. Nous l’invitons d’ores et déjà à réfléchir à cet aphorisme cher à M. Francis Blanche : il vaut mieux penser le changement, que changer le pansement.

Lire le tract…..http://snpespjj.fsu.fr/wp-content/spip/snpespjj/IMG/pdf/trac…