Ce CTC se tient dans le double contexte de la crise sanitaire mondiale liée à la pandémie de Covid-19 et à une nouvelle série d’attentats abominables perpétrés sur le territoire français.
Face à la crise sanitaire, loin d’avoir tiré les conséquences de la première vague, le gouvernement profite du renouvellement de l’état d’urgence pour poursuivre ses projets de loi visant à restreindre encore davantage les libertés individuelles et collectives, le tout dans une incohérence et une cacophonie édifiantes et en l’absence de véritables débats démocratiques.
Malgré ces alarmes et la crise sanitaire, rien n’est réellement prévu pour faire face au manque cruel de places, de personnels et de moyens dans les hôpitaux, qui sont de nouveau, sur certains territoires à saturation au niveau de la réanimation et des urgences. Pire : des places d’hospitalisation ou des services d’urgence sont scandaleusement fermés en pleine crise sanitaire. Les personnels hospitaliers dénoncent depuis des années, sans être entendus, la réduction des budgets, la rémunération à l’acte, la fermeture de lits, de services de proximité, le manque de personnel et la dégradation des conditions de travail. Rien n’est réellement prévu non plus pour faire face à la paupérisation extrême d’une partie de la population et particulièrement celle déjà fragilisée et précarisée, dont les jeunes et les familles que nous accompagnons. Un million de familles supplémentaires qui basculent sous le seuil de pauvreté devraient générer des politiques prioritaires.
Face aux actes de terrorisme récents, les grands médias se font le relais d’amalgames racistes et de propos immondes, tantôt sur les mineur.e.s isolé.e.s étranger.ère.s, sur les migrant.e.s d’une façon générale, sur les musulman.e.s ou encore sur les tchétchènes… Flirtant avec l’électorat d’extrême droite, des politicien.ne.s de droite et d’autres surfent sur la vague et reprennent à leur compte certains de ces propos. Parmi eux et elles, des membres du gouvernement attisent le feu, et en particulier, le ministre de l’intérieur, le ministre de l’éducation nationale et le premier ministre.
Face aux incidents lors de la minute de silence après l’assassinat de Samuel Paty, la réponse politique et policière a été privilégiée au détriment d’une démarche éducative dans les réponses apportées aux incidents liés au non respect de la minute de silence. Des adolescent.e.s, voire de très jeunes enfants, se sont ainsi retrouvés placé.e.s en retenue ou en garde-à-vue et ont même étés présenté.e.s devant une juridiction pour y être sanctionné.e.s pénalement. Nous tenons à rappeler ici que nous sommes opposé.e.s au système de retenue et que nous défendons une présomption irréfragable d’âge d’irresponsabilité pénale fixé a minima à 14 ans, contrairement à ce que prévoit le projet de code de justice pénale des mineur.e.s.
Loin de remettre en cause l’inefficacité de l’empilement des lois sécuritaires comme ultime réponse au terrorisme, le gouvernement s’appuie sur ces événements dramatiques pour légitimer le passage en force de son projet de loi contre le séparatisme et celui dit de « sécurité globale » et restreindre encore un peu plus les libertés individuelles et collectives déjà bien mises à l’épreuve ces dernières années.
Le premier projet, s’appuyant sur la nécessité de « renforcer la laïcité », vient stigmatiser encore davantage une partie de la population, à savoir les musulman.e.s, en la ciblant ostensiblement alors même que l’instrument du fait religieux, les usages radicaux et politiques de la religion ne relèvent pas uniquement de l’islamisme.
L’autre projet soulève des risques considérables d’atteinte à plusieurs droits fondamentaux, dont celui du droit à la vie privée, à la liberté d’information et de manifestation, dénoncés par de nombreux syndicats et organismes, et qui vont jusqu’à inquiéter le conseil des droits de l’homme de l’O.N.U, la C.N.C.D.H, la défenseure des droits et même Amnesty International.
Pour enrayer le terrorisme à la racine, lutter tant pour la liberté d’expression que pour la défense de la laïcité et contre les extrémismes violents, il faut pouvoir surtout proposer de véritables politiques d’éducation et de culture, lutter contre l’exclusion, la précarité, les déterminants sociaux, les discriminations de toutes sortes et renforcer les services publics, dont ceux de proximité.
S’inscrivant dans la droite ligne du gouvernement, le Ministère de la Justice continue d’imposer le C.J.P.M dans un déni de démocratie. Car oui, Madame la directrice, comme nous l’avions dénoncé dans notre déclaration préliminaire de boycott au C.T.C du 6.11.2020, ne vous en déplaise, nous réaffirmons que procéder par voies d’ordonnances et dans des délais extrêmement contraints pour réformer un sujet aussi sensible que celui de la justice des enfants ne laisse pas place aux véritables débats démocratiques. Faire fi de l’opposition d’une grande partie des professionnel.le.s concerné.e.s, des représentant.e.s syndicaux sans rechercher le moindre consensus est une parodie de dialogue social. Demander aux organisations syndicales de se prononcer sur la partie réglementaire de ce code avant que celui-ci ne soit validé par le parlement contribue à nier encore davantage le processus démocratique, nous laissant penser que tout est joué d’avance.
Même si les politiques répressives à l’œuvre depuis plus d’une vingtaine d’année à l’égard de la jeunesse ont largement attaqué son esprit, nous pensons que l’ordonnance de 1945 doit être préservée, expurgée de ses modifications sécuritaires. Alors que la situation économique et sociale est la plus dégradée que nous ayons connu depuis la seconde guerre mondiale, nous pensons encore et toujours que la France n’est pas assez riche de ses enfants pour en négliger un seul.
Pour son bon fonctionnement, la justice des enfants manque avant tout cruellement de moyens, de moyens conséquents dévolus à la protection de l’enfance, à la prévention de la délinquance, au bon fonctionnement des tribunaux pour enfants et des services d’insertion, de milieu ouvert et d’hébergement de la PJJ. Le déploiement des juges placé.e.s, les réparations parquet, les COPJ jugement et des « sucres rapides » pour de la justice de proximité à la PJJ (les agents contractuel.le.s, selon la terminologie du garde des sceaux), dans un processus d’accélération de la réponse judiciaire et éducative pour épurer les « stocks » sont des réponses insatisfaisantes.
Des magistrats supplémentaires seront nécessaires pour assurer les audiences supplémentaires liées à la césure. Des hébergements supplémentaires seront nécessaires pour répondre à la possibilité de placement pour les jeunes majeur.e.s qui n’existait pas jusque là. Des éducateur.trice.s supplémentaires seront nécessaires pour assurer la mission éducative auprès des tribunaux et la possibilité d’exercer des RRSE auprès des jeunes majeur.e.s. Des psychologues et assistant.e.s de services sociaux supplémentaires sont nécessaires pour pouvoir mettre en œuvre les M.J.I.E qui seront désormais systématiquement ordonnées par les juges d’instruction. Il est en effet hors de question que ce C.J.P.M vienne modifier des normes de prise en charge déjà iniques.
A la P.J.J, les équipes sont encore abasourdies par les effets sociaux et psychologiques du premier confinement de la population et l’application du bloc « peines » aux mineur.e.s qui leur est imposée dans une impréparation totale, cela malgré le changement radical que cela provoque sur leurs pratiques professionnelles et leur cœur de métier.
Par ailleurs, le SNPES-PJJ/FSU défend le rôle essentiel de l’ensemble des missions de la PJJ et note que pour cette deuxième période de confinement, la continuité des missions de la justice des enfants est assurée dans toutes ces composantes.
Néanmoins, les règles sanitaires génèrent un fonctionnement ralenti, des conditions de travail anxiogènes pour lesquelles le télétravail ne constitue pas une réponse satisfaisante et des problématiques nouvelles pour les jeunes et les familles dont le gouvernement ne semble absolument pas tenir compte dans ses objectifs calendaires d’une mise en application du C.J.P.M au 1er avril 2021.
Enfin, au-delà de la forme, nous réaffirmons notre opposition à ce projet de C.J.P.M sur le fond, car elle confond célérité et efficacité. Elle limite le temps éducatif dans des délais restreints tout en en dévoyant le sens au profit d’un accompagnement de l’adolescent.e. entièrement centré sur ses passages à l’acte et non plus sur son histoire et sa personnalité. Le milieu ouvert sera recentré sur un suivi des décisions judiciaires, accompagnant un.e délinquant.e et non plus un.e adolescent.e. Le placement est seulement envisagé comme une sanction pour les adolescent.e.s de la PJJ puisque prononçable dans le cadre de la mesure judiciaire unique. Il n’est plus pensé comme une protection qui adviendrait à un moment de l’histoire du jeune mais comme un éloignement ou une punition. De même l’insertion n’est plus vue que sous le prisme de l’obligation, qu’elle soit préconisée par un module de la mesure éducative judiciaire ou inscrite dans un contrôle judiciaire. Elle ne sera plus réfléchie dans une problématique plus générale à partir du parcours scolaire du ou de la jeune, de ses blocages, ressources et de ses envies, mais devra répondre à une commande de mise en activité.
Nous dénonçons le vocabulaire employé de « mise à l’épreuve » de « relèvement éducatif et moral » « reclassement du mineur » qui renvoie à une seule vision comportementaliste de l’action éducative au détriment de la clinique éducative développée par les professionnel.le.s de la P.J.J.
Nous avons toujours défendu que notre intervention éducative différait selon le type de mesure prononcée, éducative ou probatoire. Nous exprimons donc notre opposition à une Mesure Éducative Judiciaire qui permet d’ajouter des interdictions et donc une fonction de contrôle à un suivi éducatif.
Par ailleurs, en maintenant une place prépondérante du Parquet dans l’orientation des affaires et en laissant la possibilité d’une audience de jugement unique, elle maintient des procédures rapides qui contribuent à rapprocher la justice des enfants de celles des adultes, sans tenir compte des spécificités inhérentes à l’adolescence.
C’est pourquoi, le SNPES-PJJ/FSU, au sein du collectif Justice des Enfants, continue de dénoncer ce CJPM qui doit être présenté le 1er décembre à l’Assemblée Nationale, et continue de défendre une réforme de la justice protectrice, éducative, humaniste et émancipatrice.
Concernant les RLC à l’ordre du jour de ce C.T.C, vous nous proposez une mise à jour du texte, qui a pour objectif de les recentrer sur leur mission principale, c’est à dire la politique de prévention de la radicalisation violente, en œuvre à la P.J.J depuis 2015, avec la création de 76 postes de RLC dans notre institution. D’une façon générale, l’approche que vous avez construite nous semble pertinente ainsi que l’effort d’élaboration et de mise en acte éducative de la pensée, car ce texte pose le principe de protection des jeunes et des professionnels. Mais, dans un souci d’équité pour l’ensemble des jeunes accompagné.e.s par la P.J.J, nous demandons que cette démarche de réflexion s’applique à tou.te.s les adolescent.e.s sous main de justice. En effet, nous souhaiterions que la même attention soit portée aux questions de discriminations, en particulier pour lutter contre le racisme et le sexisme.
D’autres problématiques liées aux phénomènes de prostitution, de viols ou d’agressions sexuelles, de violences agies et/ou subies, de consommation de drogue, de délinquances qui représentent le quotidien de nos prises en charge sont tout aussi importantes que celle de la radicalisation. Elles méritent autant de moyens éducatifs et pédagogiques que ceux engagés pour les RLC et surtout les adolescent.e.s concerné.e.s doivent être pareillement considéré.e.s comme en danger.
Les mineur.e.s isolé.e.s étranger.ère.s par exemple, ne mériteraient-il.elle.s pas tant d’égards ? Pourtant où sont actuellement les moyens déployés pour les accueillir et les accompagner décemment ?
Si nous pensons être conscient.e.s des drames qui se jouent face au terrorisme et à la radicalisation violente, un.e adolescent.e doit pouvoir être avant tout accueilli.e au regard de son histoire et à ce titre, il est fondamental qu’un travail d’équipe sur les ressentis de chaque professionnel.le soit mis en place. Il ne faudrait pas que l’on puisse nous demander d’évaluer ces stratégies de manipulation ou celles de la famille.
Nous sommes dans un accompagnement éducatif qui s’inscrit principalement dans une relation de confiance s’établissant dans le temps. Parasiter la construction de cette relation par des soupçons est une démarche contre-productive.
Nous ne sommes pas dupes, les budgets PLAT puis PART ont largement servi à financer des projets éducatifs pour l’ensemble des adolescent.e.s accompagné.e.s par la P.J.J, projets qu’il serait compliqué de financer par d’autres moyens et dans un autre cadre. Ainsi quasiment tous les projets sont construits à travers le prisme de la lutte contre la radicalisation violente.
Nous serons attentifs aux dangers et dérives possibles de ce dispositif.
Concernant le partage d’informations, nous réaffirmons que dans un contexte particulièrement tendu, il est indispensable que le cadre institutionnel soit respecté.
En cela, nous nous opposons à la nouvelle définition du secret professionnel inscrit dans le CJPM qui fait porter aux éducateur.trice.s la responsabilité de porter ou non à la connaissance des partenaires certains éléments. Cette responsabilité incombe au juge des enfants. Nous n’acceptons pas d’être mis en cause pour des informations que nous n’aurions pas transmises. Ce sont des glissements qui pourraient se révéler extrêmement dangereux.
Enfin, il existe toujours un flou entre la définition du secret professionnel et les informations partagées qui nécessite d’être mieux circonscrites. Ainsi, la P.J.J n’étant pas soumis à la communauté de renseignements, les échanges d’informations avec l’A.P et les Préfectures ne doivent pas passer par elle.
Concernant le rôle des R.L.C, nous contestons la systématisation de la présence des RLC à toutes les étapes de la démarche éducative (synthèse, D.I.P.C…), et nous demandons que les équipes continuent de travailler en autonomie avec le soutien des R.L.C.
Du fait de la présence de R.L.C en D.T, D.I.R, A.C et E.N.P.J.J, nous redoutons qu’une nouvelle chaîne hiérarchique se crée parallèlement à la ligne fonctionnelle déjà existante.
La centralisation des procédures judiciaires au Tribunal de Paris et les mesures attribuées à une unité éducative spécialisée sont dommageables pour la qualité de la relation éducative créée entre adolescent.e.s et éducateur.trice.s et surtout entre adolescent.e.s et parents. Nous sommes, d’une façon générale, opposé.e.s à la spécialisation des services et des missions.
La principale raison d’être de ce C.T.C. est pour nous l’examen de la partie réglementaire du C.J.P.M qui va radicalement transformer les missions éducatives de la PJJ en missions de probation, de contrôle et de surveillance.
Dans les semaines qui viennent, la partie législative du CJPM sera présentée aux parlementaires le 1er décembre. Le SNPES-PJJ/FSU appelle les personnels à s’informer, débattre des enjeux en équipe et se mobiliser pour dénoncer les conséquences néfastes de ce projet sur l’accompagnement des jeunes et des familles ainsi que son corollaire sur les conditions de travail.
Quatre organisations syndicales, dont le SNPES-PJJ/FSU, représentant une grande majorité des personnels, dénoncent les conditions de déroulement du dialogue social et vous ont alerté à de multiples reprises sur l’impact de cette réforme et sur l’exercice des missions de la PJJ. A vouloir passer en force sur ce projet sans écouter les alertes que nous lançons, la DPJJ devra assumer la responsabilité des graves atteintes aux missions éducatives de cette institution.
Lire la déclaration….http://snpespjj.fsu.fr/wp-content/spip/snpespjj/IMG/pdf/dl_…