La société vient de traverser une crise sanitaire qui a fortement mis en lumière ses inégalités, ses fragilités et les conséquences du démantèlement des services publics. La justice des mineur.e.s et la PJJ se trouvent face à un tournant crucial de leur histoire, symbolisé par l’abrogation de l’ordonnance de 1945, texte fondateur, porteur d’espérance pour la jeunesse. Le préambule de l’ordonnance qui rappelle les devoirs de la société envers sa jeunesse consacre la notion de protection pour toutes et tous les adolescent.e.s. Ces devoirs restent les mêmes 75 ans après et il y a nécessité absolue de réaffirmer les missions de protection et d’éducation de la PJJ.

Dire cela n’est pas anodin, car c’est rappeler que l’histoire de la justice des mineur.e.s est le fruit des combats des professionnel.le.s de l’Éducation Surveillée pour sortir du giron de l’Administration Pénitentiaire et des logiques carcérales d’avant la seconde guerre mondiale, en dépit des alternances politiques, nous nous confrontons à un mouvement de fond ultra-libéral,qui s’attaque aux principes du service public et au statut des fonctionnaires.

La loi de transformation de la Fonction Publique a porté un coup supplémentaire aux fonctionnaires en supprimant, entre autre, le principe de la représentation des personnels dans les instances paritaires. Cela était incarné par les délégué.e.s CAP qui portaient la réalité du terrain dans les débats avec l’administration centrale.

Lors des mobilités du printemps 2020, nous avons pu mesurer les effets délétères de la généralisation des mutations au profil pour une grande partie des personnels de la PJJ. Le maintien de la référence au barème pour les éducateur.trice.s et les CSE pour 2020 a été le fruit d’une lutte contre une décision du ministère de la justice qui va au-delà des textes de la Fonction Publique. Sur la campagne de mobilité en cours, que dire des délais intenables pour les agents !

L’individualisation des carrières, au travers de la prise en compte du « mérite » pour l’avancement ou la mobilité, l’arbitraire dans l’octroi des primes, le développement désorganisé du télétravail participent à l’isolement professionnel et à la mise en concurrence des agent.e.s, sur fond de pratiques hiérarchiques autoritaires. L’exemple du premier versement du CIA et la prime dite COVID attribuée de manière bien trop arbitraire, contribue à cliver les personnels et porte atteintes aux collectifs de travail.

Le service public doit être accessible à l’ensemble de la population, ce qui implique des moyens suffisants pour répondre aux enjeux sociétaux actuels. Rappelons que lors des dernières crises, qu’elles soient financières ou sanitaires, ce sont ces mêmes services publics qui ont assuré la protection des personnes les plus en difficulté.

Depuis de nombreuses années, l’identité même de la PJJ en tant qu’institution éducative est attaquée.

La multiplication des lieux d’enfermement pour les mineur.e.s traduit une orientation de plus en plus répressive de la justice des enfants, à ce titre le projet de création de 20 CEF supplémentaires lors de ce quinquennat est particulièrement révélateur. En plein confinement, l’application du bloc peine, issue de la loi de programmation et de réforme pour la Justice est venue attaquer violemment les pratiques éducatives et les valeurs professionnelles des personnels de la PJJ. Le bloc peine est déjà largement mis en oeuvre dans certains tribunaux avec une tendance affirmée à prononcer des peines lourdes au détriment des mesures éducatives. Dans ce contexte, le travail éducatif fait dans les UEHC est gravement menacées par la mise en oeuvre de Placements Extérieurs Sous Écrous (PESE).

Par ailleurs, la DPJJ sème la confusion en faisant la promotion d’une peine, le TIG, comme un moyen d’insertion professionnelle. Alors que le ministère de la Justice prétend vouloir réduire le nombre de jeunes incarcéré.e.s, dans les faits, il multiplie le nombre de ceux et celles qui se retrouvent privé.e.s de liberté. Ce phénomène est amplifié par la politique répressive menée par les parquets. De plus, elle contribue à rapprocher encore davantage la justice des enfants de celle des adultes, niant ainsi les spécificités inhérentes à l’adolescence. En axant l’essentiel de l’accompagnement des jeunes autour de la gestion de la peine, ce ne sont plus les adolescent.e.s en tant que sujets qui sont au coeur de notre intervention, mais uniquement la sanction de leur passage à l’acte.

Les dernières déclarations du ministre de l’intérieur sur le prétendu « ensauvagement » d’une partie de la population conjuguées à celles du ministre de la justice sur l’encadrement des jeunes par les militaires, attestent d’une volonté sécuritaire d’instrumentaliser les peurs de la société, tout cela alors que la jeunesse dans son ensemble est victime de la crise sociale que nous traversons et qu’elle est en permanence stigmatisée. Si le nouveau ministre de la justice se félicite d’une augmentation sans précédent du budget de la justice, nous constatons, une fois de plus que la PJJ reste le parent pauvre de ce ministère, l’essentiel du budget étant dédié à l’administration pénitentiaire et services judiciaires. La part belle est également faite aux services associatifs habilités au détriment du service public. Bien loin de changer d’orientation, le nouveau gouvernement affiche clairement sa volonté de mettre en oeuvre ses réformes sans délai. Ces dispositions entraînent des changements profonds de l’identité professionnelle et des conditions de travail de l’ensemble des personnels de la PJJ. Dans ce contexte, les missions de services de milieu ouvert s’apparentent de plus en plus à celles exercées par les SPIP tandis que la prise en charge en hébergement s’oriente vers la surveillance et le contrôle.

Les organisations syndicales signataires dénoncent et s’opposent à la généralisation des missions coercitives, probatoires et à la généralisation des dispositifs de privation de liberté à l’ensemble des structures de la PJJ. C’est pour cela que nos organisations ne siègeront pas à ce CTIR.

Pour nous, il est urgent de :

– Rétablir le barême et les compétences de la CAP en matière de mobilité.

– D’exclure les enfants de l’application du bloc peine de la LPJ.

Lire la déclaration unitaire……http://snpespjj.fsu.fr/wp-content/spip/snpespjj/IMG/pdf/dec…