10 réponses pour en finir avec les préjugés concernant la justice des Mineur.e.s !
10/ Un passage par la prison apportera aux jeunes un cadre et les remettra dans le droit chemin.
FAUX. Par Cécile Marcel, Directrice de l’Observatoire international des prisons – Section française.
Si le nombre de mineurs incarcérés reste globalement stable, la privation de liberté a pris de l’ampleur ces dernières années avec le basculement de certaines prises en charge du milieu ouvert sur des structures plus ou moins fermées. Le nombre de placements annuels en centres éducatifs fermés montre la place croissante accordée à l’enfermement dans la justice des mineurs, qui n’échappe pas au vent répressif qui souffle sur la justice pénale en général.
Il semble ainsi admis que, pour certains, une incarcération permettra de mettre un coup d’arrêt à une carrière délinquante. Mais, le pédopsychiatre Boris Cyrulnik met en garde : si une coupure peut être utile, la prison est « la pire des réponses » : « elle provoque l’isolement sensoriel, l’arrêt de l’empathie, l’augmentation de l’angoisse, entretient les relations toxiques, l’humiliation. En sortant de prison, on constate que l’enfant n’est plus apte à réguler ses émotions »*.
Pour la juge des enfants Laurence Bellon, « concentrer en un même lieu une population uniquement constituée d’adolescents délinquants pose de très grandes difficultés ». Des difficultés de prise en charge d’abord : proposer un travail éducatif individualisé dans un environnement où le collectif est omniprésent et entravé par des contraintes pénitentiaires s’avère compliqué. Ainsi, les mineurs détenus au Quartier mineurs de Fleury Mérogis n’ont en moyenne que deux à trois heures de cours par semaine et « une majorité reste en cellule une vingtaine d’heures par jour », précise une éducatrice de l’établissement. Si les moyens investis dans les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) créés par la loi de 2002 sont beaucoup plus conséquents, avec une prise en charge pluridisciplinaire, l’accompagnement se heurte tout de même à une logique pénitentiaire et à des contraintes organisationnelles importantes. Surtout, avec des durées de détention majoritairement inférieures à trois mois, l’impact sur la trajectoire des jeunes ne peut être que limité, voire « une utopie », pour le sociologue Philip Milburn. A l’inverse, si l’incarcération se prolonge, « le risque est de voir les enfants prendre les habitudes du milieu carcéral » pointe une éducatrice. Un milieu carcéral est avant tout caractérisé par la violence, où les tensions et rapports de forces sont exacerbés. Un ancien détenu témoigne ainsi d’une ambiance tendue « toujours dans la provocation. Qui va s’imposer, être le plus gros caïd, qui a commis le pire ? » et explique que « l’effet de groupe est affolant ».
Au final, l’incarcération va le plus souvent avoir tendance à accélérer l’ancrage dans la délinquance : elle fragilise les liens familiaux, socialise dans un milieu criminogène, y confère un statut, etc. Selon une étude sur les sortants de prison, le taux de recommandation dans les cinq ans des mineurs est de l’ordre de 70%, plus élevé encore que chez les majeurs (63%) (Benaouda, Kensey, 2010). Toutes les citations sont issues de la revue de l’OIP Dedans Dehors n°87 (avril 2015) : « Mineurs détenus : la justice des enfants peine à résister au vent répressif ».