Du ministère de la Justice au ministère de la parole : les actes manquent !
Suite aux élections professionnelles, la FSU Justice, représentée par le SNPES-PJJ/FSU et le SNEPAP-FSU, a été reçue par la Ministre de la Justice et son conseiller social pour évoquer les mandats que nous porterons les prochaines années. L’occasion de faire tant un bilan qu’une mise en garde !
S’agissant du traitement de la politique pénitentiaire
Cette audience a permis d’évoquer une des principales déceptions à porter au crédit du ministère : la mesure de probation. Convaincu-es que l’avenir du traitement de la délinquance passera par la réponse carcérale comme dernier recours, nous attendions avec force que la loi de programmation justice porte une peine de probation autonome. Nos différents échanges avec le ministère et la Direction de l’Administration Pénitentiaire laissaient augurer que cette consécration devienne possible. Or, un amer constat se vérifie jour après jour. Malgré des discours positifs portés autour de ce sujet et les preuves évidentes de son efficacité démontrée par la recherche internationale, nous faisons le constat d’une vision archaïque du ministère de la Justice. Surtout, la déception vient du fait que l’ensemble de nos dirigeant-es nous affirment partager pleinement le constat de l’utilité de la probation, l’ensemble des élu-es que nous rencontrons nous rejoignent ; cependant, aucun-e ne transforme en actes ses paroles. Le Nothings Works restant la solution privilégiée au What’s works !
Dans la même veine rétrograde, l’exemple de la création de l’agence nationale du TIG. Alors que ce sujet relève pleinement du SPIP, que le Président de la République en a fait un étendard de sa politique pénale, quel ne fut notre étonnement de voir que le préfigurateur retenu est un DSP épaulé par un chargé de mission issu du secteur associatif. Retenu car le profil de cet agent se devait d’avoir une connaissance pénitentiaire ainsi que celle des collectivités territoriales.
Le portrait-robot d’un DPIP cependant !
Et bien Non ! Seulement la chasse gardée des DSP et l’entre-soi étant les leitmotivs susurrés à l’oreille des puissant-es. Et lorsqu’il est refusé à un DPIP d’occuper ses fonctions, c’est l’ensemble des CPIP et des DPIP, la filière insertion et probation qui se voient une nouvelle fois bafoués, les personnels des SPIP sont dans l’impossibilité de porter leurs expertises métiers !
S’agissant de la Justice des enfants
Nous avons interpellé la Garde des Sceaux sur l’acharnement du gouvernement dans sa volonté de construire 20 centres fermés supplémentaires alors même que ces structures connaissent des difficultés récurrentes et avérées. A ce titre, nous lui avons rappelé les conclusions de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme qu’elle avait elle-même saisit pour analyser la hausse de l’incarcération des enfants en France. Ce rapport évoque les centres fermés comme des anti-chambres de la prison. Les rapports annuels de la Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté soulignent, quant à eux, régulièrement les limites fonctionnelles de ces lieux d’enfermement.
Nous avons, par ailleurs, insisté sur le fait que des moyens conséquents étaient ainsi attribués à l’enfermement, au détriment des structures éducatives de milieu ouvert, d’hébergement et d’insertion. Faisant fi que, si le projet est adopté, le nombre de centres fermés devrait dépassé largement le nombre d’hébergements classiques à la PJJ, la Ministre a le toupet d’affirmer que ces structures correspondent à une volonté d’offrir aux juges des réponses plurielles !
Par ailleurs, nous avons tenu à manifester notre désapprobation, tant sur la forme que sur le fond, de l’habilitation qu’elle a obtenue du parlement de pouvoir réformer la justice des enfants par voie d’ordonnance, sans véritable débat démocratique sur un sujet pourtant aussi essentiel que la jeunesse, parmi laquelle celle la plus en difficulté. Sur le fond, la Ministre évoque la nécessité d’une justice plus efficace, laissant entendre qu’actuellement, celle-ci serait lente et indulgente, ce qui est faux. Alors que la délinquance juvénile n’a pas augmenté depuis 15 ans, le nombre d’enfants enfermés n’a jamais été aussi élevé en France que depuis ces deux dernières années. Les multiples modifications de l’ordonnance du 2 février 1945, qui régit actuellement la justice des enfants, sur le plan pénal, ont progressivement rapproché cette justice de celle des adultes, notamment par le recours à des procédures accélérées, des mesures de probations et l’intervention de magistrat.e.s non spécialisé.e.s (juge d’instruction, parquet, juge des libertés et de la détention…).
A cela, la Ministre répond par la nécessité d’aller au bout d’une réforme qui n’a jusqu’ici jamais abouti, en s’appuyant sur les travaux de l’assemblée nationale et les rencontres des différentes administrations du ministère et des organisations syndicales afférentes.
Nous lui avons indiqué, pour notre part, que si nous souhaitons une réforme de cette ordonnance, c’est surtout pour revenir à l’un de ces principes fondateurs qui est la primauté de l’éducatif sur le répressif et faire cesser les politiques d’enfermement à l’œuvre au profit d’une justice protectrice et émancipatrice. Pour cela, il faut du temps et des moyens.
Des questions statutaires
En cette période où le gouvernement fait face aux mouvements des gilets jaunes, la FSU Justice a porté auprès de la Ministre une préoccupation importante des agents de la Fonction Publique : une reconnaissance statutaire et indemnitaire !
Durant cette audience, nous sommes revenu-es sur la nécessité pour les adjoint-es administratif-ves de se voir proposer un plan de requalification sans mutation géographique en tant que secrétaires administratives du fait de l’évolution constante de leurs missions, d’une réelle transformation de leur métier. Le conseiller social a conscience de la nécessité de ce travail car les personnels administratifs restent toujours les grands oubliés et notamment à la PJJ où les adjointe-es administratif-ves sont véritablement les perdant-es de l’avancement. En s’appuyant sur ce constat partagé, la FSU Justice portera le fer tout au long du mandat 2018-2022.
Il en va de même de la création du statut ministériel des psychologues, l’absence de retours de la DGAFP suite à la saisine du 8 août nous laisse dubitatifs. Alors que les signaux semblent au vert, ce retard interroge. M. Heuman, le conseiller social de la Ministre, doit prendre attache avec la DGAFP et nous communiquer les raisons de ce contre temps. Cependant, en aucun cas, une remise en question de cette création n’est fait par la Ministre, bien au contraire ! Nous avons cependant rappeler que les agents titulaires de la PJJ ne devront perdre ni leur identité professionnelle, ni leurs conditions d’exercice au détour de cette création d’un corps commun.
Autre point traité, celui de la réforme statutaire des CPIP, pour laquelle le retard pris inquiète les agents. Aucune remise en cause en perspective, si ce n’est encore une fois la lenteur des instances supérieures, en l’espèce le texte est à l’étude au Conseil d’État.
Nous avons également abordé la récurrente question de la fusion du corps des DSP/DPIP. Suite aux élections professionnelles, il s’avère que les 2/3 des DPIP ne la souhaitent pas ; cependant, le ministère souhaite ouvrir une réflexion sur une éventuelle fusion de ces deux corps de direction. À nouveau, comment faire fi de ce que pense la majorité, serait-ce là le mal principal de nos élites ?
Nous avons également informé la Ministre que le SNEPAP-FSU suit attentivement la thématique du passage en catégorie B du corps des CEA que nous revendiquons. Nous avons perçu une certaine inquiétude chez la Ministre qui a conscience que cette année 2019 sera celle de la reconnaissance des personnels !
Enfin, nous avons rappelé à la ministre que la mobilisation contre le projet de création de statut de cadres éducatifs porté par la DPJJ se poursuit à la suite du CTM du 28 novembre qui en a acté un report et un retour à des groupes de travail. Les résultats aux élections professionnelles du 6 décembre dernier ont d’ailleurs prouvé que les revendications portées par le SNPES-PJJ/FSU sont soutenues par une majorité de CSE (3 sièges sur 4 pour le SNPES-PJJ à la CAP des CSE). Même si le conseiller social de la Garde des Sceaux maintient qu’il n’y aura pas d’autres ouvertures de la part de la DGAFP, le SNPES-PJJ/FSU exigera que le dossier soit totalement réouvert, s’appuyant sur ses revendications de toujours, à savoir, l’intégration des RUE dans le premier grade du corps des directeur-trices et fort du soutien de la profession.
En conclusion, pour la FSU Justice, il n’y a plus d’illusion sur le dialogue social ni sur la reconnaissance des missions et des métiers portés par ce ministère et ce gouvernement.
La différence entre les paroles et les actes est trop marquée pour relever d’autre chose qu’une volonté politique.
À l’image du traitement des fonctionnaires, entre rétablissement du jour de carence, gel du point d’indice et négation de l’utilité du service public, la FSU Justice a conscience que 2019 sera une année de combat pour que les agents soient reconnus pleinement et que les missions ne soient pas résumées à des statistiques mais bien la priorité du service public !
Pour la FSU Justice l’évolution des métiers passe par la reconnaissance des personnels ! Paris, le 25 janvier 2019
Lire le compte rendu….http://snpespjj.fsu.fr/wp-content/spip/snpespjj/IMG/pdf/aud…