Augmentation de l’incarcération des mineur.e.s : jusqu’où ira-t-on ?
En juin 2017, par un communiqué de presse commun avec la CGT-PJJ, le Syndicat de la Magistrature, le Syndicat des Avocats de France, la Ligue des Droits de l’Homme et l’Observatoire Internationale des Prisons, nous alertions sur l’augmentation exponentielle de l’incarcération des adolescent.e.s depuis octobre 2016. Nous évoquions les conséquences de cette évolution, dont notamment la remise en cause du principe d’encellulement individuel des mineur.e.s dans certains lieux de détention.
Au 1er juillet 2017, le nombre d’adolescent.e.s emprisonné.e.s est de 871, soit 20 de plus que le mois dernier. Parmi elles et eux, 629 sont détenu.e.s provisoirement, dans le cadre de leur mise en examen, avant d’être jugé.e.s, donc avant même d’être reconnu.e.s coupables. Un certain nombre de quartiers mineur.e.s et d’établissements pénitentiaires pour mineur.e.s (EPM) arrivent à saturation. Dans ces conditions, les droits des adolescent.e.s, déjà limités dans le cadre carcéral, s’en trouvent parfois bafoués (accès aux soins, à la scolarité, aux activités, aux promenades, aux douches..). Par ailleurs, la promiscuité est souvent facteur d’angoisses supplémentaires, de mal-être et génératrice de tensions et de violences.
De fait, des transferts d’adolescent.e.s d’un lieu de détention à l’autre ont lieu dans la précipitation, souvent au mépris de leur situation individuelle, de l’éloignement géographique de leurs proches, remettant en cause les droits de visite, les projets de sortie, renforçant encore davantage leur isolement…
Nous ne cessons de répéter que la situation est explosive. Elle peut conduire à des actes extrêmes sur soi ou sur autrui. D’ores et déjà, des incidents graves ont eu lieu, à l’EPM de Porcheville, le 23 juillet et à l’EPM de Meyzieu, le 25 juillet 2017, des mineurs ayant mis le feu à leur cellule, au péril de leur santé.
Nous faisons l’analyse que cette augmentation du taux d’incarcération est la résultante d’une politique pénale particulièrement répressive à l’égard des jeunes. Elle est aussi à mettre en lien avec l’empilement des lois sécuritaires de ces dernières années et du fait qu’elles sont appliquées au mineur.e.s indifféremment, faisant fi des problématiques inhérentes à leur âge.
Parallèlement, les moyens manquent cruellement aux équipes éducatives de milieu ouvert pour être en capacité de proposer des alternatives à l’incarcération qui permettent l’individualisation de la prise en charge de ces mineur.e.s : diversité d’hébergements, outil d’insertion sociale et professionnelle…
Enfin, cette augmentation peut aussi s’expliquer par des pratiques pénales assumées, particulièrement discriminatoires à l’égard des mineur.e.s et jeunes majeur.e.s isolé.e.s étranger.ère.s qui tendent à les juger plus rapidement et plus sévèrement que les autres.
Nous sommes loin de la primauté de l’éducatif et du caractère exceptionnel de l’enfermement affirmés par l’Ordonnance du 2 février 1945 qui fonde la justice des enfants. Ce d’autant qu’aux jeunes incarcéré.e.s dans les quartiers pour mineur.es et les EPM, il faut ajouter les adolescent.e.s placé.e.s dans les 51 Centres Éducatifs Fermés du territoire national. Pourtant, on le sait : la logique de l’enfermement n’endigue en rien la récidive, bien au contraire, elle socialise dans un milieu criminogène.
Nous attendons de la nouvelle Ministre de la Justice qu’elle prenne des dispositions immédiates pour endiguer l’augmentation inquiétante et néfaste de l’enfermement des adolescent.e.s et qu’elle donne à la justice des mineur.e.s les moyens réels de répondre au pari éducatif pour la jeunesse en difficulté notamment en leur proposant un projet progressiste et émancipateur.
Lire le communiqué…http://snpespjj.fsu.fr/wp-content/spip/snpespjj/IMG/pdf/comm…