C’est quand qu’on va où ?

Dans l’incipit du PSIR 2021-2023 il est annoncé l’ouverture d’ « une période riche de projets innovants et d’expérimentations nouvelles, d’accompagnements, de mise en œuvre de nouveaux cadres législatifs, réglementaires et de déclinaison de nouveaux outils de pilotages, de suivi de la prise en charge éducative. ». Quels sont ces projets nouveaux et innovants ? Pour les pratiques éducatives : peines de stage, travail non rémunéré, travail d’intérêt général, création de 3 Centres fermés. Innovation dites vous ? Pour l’organisation du travail : travail à distance (télétravail et visioconférence), fourniture de PC et téléphone portable pour les personnel.les avec injonction de rester connecté, et contrôle à tous les étages.

Slajov Zizek, le philosophe, nous rappelle que « Les notions ne sont pas que des mots, elles structurent l’espace politique et ont, en ce sens, un effet performatif ».

Les documents transmis pour ce CTIR éclairent un peu plus ces propos. Un rapide examen du vocabulaire utilisé est suffisamment parlant : stocks, apurements des stocks, volume d’alternative aux poursuites, activité, pilotage, développement des objectifs, indicateurs de performance et gestions des flux. Tout ce langage technocratique qui tend à déshumaniser les réalités des quotidiens. Nous sommes entrés dans une vision budgétaire qui se désintéresse du contenu, sans méthode humaine de gestion des personnels. Le choix de la DIR d’inféoder des sociétés de coaching, sans formation clinique, pour répondre aux besoins des équipes en matière d’analyse des pratiques illustre un peu plus ce fossé.

Ce Comité Technique inter-Régional auquel nous sommes conviés a pour vocation d’accompagner les profesionnel.les au changement par des formations d’adaptation afin d’appliquer le loi de la transformation publique, le CJPM et le « bloc peines ».

La longue période de crise sanitaire que nous venons de vivre a vu les collectifs de travail éclatés et atomisés. La situation actuelle des équipes éducatives de la PJJ Sud-Est est inquiétante. Le contexte social et économique a des conséquences directes sur les jeunes et les familles que nous suivons. Leurs conditions de vie se sont considérablement dégradées, tandis que pour les jeunes, l’isolement scolaire et social a eu des conséquences psychologiques que nous commençons à peine à mesurer. Les alertes des pédopsychiatres l’attestent.

C’est dans ce contexte anxiogène que le projet bâti pour les jeunes les plus en difficultés est de continuer la lente dérive vers une Justice des mineurs de probation. Le 30 septembre, le CJPM sera appliqué, à moyens constants, alors que les professionnel.les de la PJJ, mais aussi les avocat.es, les magistrat.es, sont à peine préparé.es, formé.es. Avec une situation catastrophique sur le plan régional : un tribunal judiciaire à Marseille au bord du gouffre et un tribunal pour enfants à Toulon avec un manque scandaleux de Juges pour Enfants. Les débats autour du CJPM ont été soit confisqués, soit bâclés. Peut-on sérieusement considérer que les informations données sur Intranet, via des web conférences, avec des powerpoints, suffiront à former et à infuser la réflexion professionnelle ? Cette démarche participe de l’insécurisation des professionnel.les et par déclinaison des jeunes et de leur famille.

Inscrit dans un collectif Justice, le SNPES-PJJ/FSU est en opposition farouche au démantèlement du service public d’éducation pour la Justice des mineurs, de la remise en question des pratiques professionnelles et continuera de porter haut les valeurs d’émancipation et d’éducation qui sont notre ADN. Nous dénonçons depuis près de vingt ans les politiques réactionnaires mises en œuvres par les différents gouvernements au niveau de la justice des mineurs. Et l’augmentation régulière et dramatique du nombre de mineur.e.s emprisonné.e.s et enfermé.e.s nous donne malheureusement raison.

Ce CTIR porte sur la préparation de la convention stratégique d’orientation. Les documents fournis reflètent-ils réellement la situation actuelle de la PJJ Sud-Est ? On peut se poser la question. Encore une fois, force est de constater que le dialogue social se construit sur des bases verticales. La plupart des projets territoriaux ont-ils été soumis à des instances de dialogue social, telles que les CTT ? La réponse est dans la question.

L’ordre du jour concerne aussi la restructuration du STEMO Toulon. Nous avons toujours été favorables à un service de deux unités maximum. Cet objectif devait permettre la création d’un poste de directeur.trice pour ce service de 4 unités, comme nous l’avions d’ailleurs défendu dès l’origine. Il n’est jamais trop tard pour écouter les organisations syndicales…. Cependant, là encore, un projet mal ficelé engendre des ressentiments. Comment est-il possible de concevoir une organisation sans tenir compte du travail de réflexion mené par les professionnel.les des unités concernées ? Nous l’avons rappelé en CTT, cette restructuration avait été pensée par les équipes en amont et, au final, qu’est devenu le fruit de leur travail, de leurs réflexions ? Accompagnement des équipes avez-vous dit ?

Ce CTIR porte aussi au débat la question des évaluations. Nous notons une volonté de la DiR d’entamer une réflexion sur ce sujet. Ces campagnes d’évaluations dont la bienveillance tant mise en avant est, en réalité, un cache-misère de la mise en concurrence effrénée entre les personnel.les. Si vous ne mesurez pas, aujourd’hui, les conséquences pour les collectifs de travail, c’est que le problème est encore plus grave que nous le pensions. Les documents que vous nous avez transmis ne disent rien de la réalité des vécus et des répercussions négatives dans les rapports humains entre professionnel.les. Dans une institution qui sacralise le mérite (CIA, primes Covid) et entretient le mythe de l’ascenseur social, on cherche à faire du ou de la professionnel.le, le ou la seul.e responsable de la réussite. Car c’est bien la réussite qui est recherchée, mais la réussite de quoi ? De qui devrait-on dire.

Quand une institution est davantage mue par la réussite individuelle, on ne fait qu’accroître le désintérêt pour toute préoccupation collective. Elle génère ainsi une profession gagnée par la démobilisation et la perte des valeurs. Le SNPES-PJJ/FSU Sud-Est vous demande d’entendre les préoccupations des professionnel.les et des jeunes sans répondre uniquement à la commande politique en complet décalage avec le public que la PJJ accompagne.

Lire la déclaration……http://snpespjj.fsu.fr/wp-content/spip/snpespjj/IMG/pdf/dec…