Déclaration liminaire au CTC du 18 février 2016

Mardi 16 février, après les sénateurs, les députés ont prolongé l’état d’urgence pour la deuxième fois depuis les attentats du 13 novembre. Seuls 31 députés ont voté contre. Pourtant de nombreuses voix s’élèvent pour interroger son efficacité dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les dérives que cet état d’exception engendre. Il faut, en effet, faire le constat que seulement cinq enquêtes pour terrorisme ont été ouvertes pour 3340 perquisitions et plus de 400 assignations à résidence.

De fait, l’état d’urgence permet surtout aux préfets de s’affranchir des garanties apportées par l’intervention de magistrats. Ainsi, la très grande majorité des saisies, gardes à vue, condamnations depuis le 13 novembre, concernent des délits de droit commun. Depuis plus de trois mois, les contrôles policiers se sont multipliés, des perquisitions d’envergure ont été menées dans des quartiers populaires. Ce contexte impacte directement la vie quotidienne des populations et en particulier des adolescents les plus en difficulté. Ce climat ne peut qu’alimenter et accentuer un sentiment d’injustice et des relations de défiance des jeunes vis-à-vis des forces de l’ordre dans un contexte économique extrêmement dégradé.

De plus, la déchéance de nationalité, votée par l’assemblée nationale dans le cadre de la réforme constitutionnelle, remet en cause le droit du sol. Même si elle a été étendue à tous les citoyens et non plus seulement au bi-nationaux, elle reste stigmatisante pour toute une partie de la population discriminée en raison de sa religion réelle ou supposée. De plus, cette mesure ne règle en rien la question des actes de terrorisme.

Par ailleurs, le projet de loi pénale de « lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement » présenté hier à l’assemblée nationale prévoit l’introduction dans le droit commun de certains dispositifs d’exception. L’intervention du juge judiciaire, garant du respect des libertés individuelles, sera marginalisée. Pourtant, la lutte antiterroriste bénéficie déjà de mesures dérogatoires importantes. Tout est mis en place pour que l’état d’urgence devienne, de fait, permanent. Ces mesures auront des conséquences pour les mineurs comme pour les majeurs. L’article 18 de ce projet permettra la retenue pendant 4 heures de toute personne, y compris les mineurs, sans minimum d’âge, et sans présence parentale obligatoire. Ce contrôle de la situation administrative, justifié par un supposé lien avec des activités terroristes, sera possible même si les personnes ont pu justifier de leur identité.

Le SNPES-PJJ dénonce le virage sécuritaire pris par le gouvernement. Il affirme que l’état d’urgence porte atteinte aux libertés fondamentales de tous, mais plus particulièrement des personnes les plus en difficulté.

Le SNPES-PJJ, avec la FSU, dans le cadre de collectifs militants et citoyens, continuera à se mobiliser pour la sortie de l’état d’urgence et la préservation des libertés.

A la PJJ, les deux plans antiterroristes ont permis la création de postes qui n’auraient pas eu lieu dans un autre contexte. Pour autant, la mise en place des cellules préfectorales avec la participation des référents laïcité/citoyenneté pose la question de la communication d’informations nominatives sur les enfants et leur famille, ainsi que de la préservation de notre éthique professionnelle.

A la PJJ toujours, les premières déclarations du nouveau ministre de la Justice nous inquiètent. En effet, la réforme de l’ordonnance de 1945 n’est, semble-t il, pas sa priorité. Le SNPES-PJJ/FSU portera auprès du Garde des Sceaux la nécessité absolue d’une réforme ambitieuse et progressiste de la justice des enfants et des adolescents. En ce qui concerne la situation de l’institution et ses orientations, Mr. Urvoas n’a, à l’heure actuelle, pas fait de déclarations sur ses projets. L’annonce de crédits supplémentaires pour les tribunaux est certes indispensable au regard de l’état des juridictions. Pour autant, la dégradation des conditions de travail des personnels de la PJJ, notamment en milieu ouvert, défini par la note d’orientation comme le socle des prises en charge éducative, nécessiterait plus de moyens pour rendre opérants la pluridisciplinarité, l’accompagnement soutenu… Le plan d’action sur la Santé et Sécurité au Travail à l’ordre du jour de ce CTC, ne pourra à lui seul résoudre cette question cruciale des conditions de travail.

Des moyens supplémentaires pourraient permettre aussi une réelle diversification des lieux de placement. Il pourrait être également l’occasion d’une reconstruction d’un secteur autonome de l’insertion. Il est certain que le projet de note présenté aujourd’hui n’est absolument pas à la hauteur des attentes des personnels, ni des besoins des adolescents, encore moins des enjeux de société autour de la question de l’insertion des jeunes. Quant au secteur de l’insertion, nous atteignons les limites de la politique menée par la DPJJ. Malgré le changement de ton, la note cherche à dissimuler, sous une volonté louable de réinscription des jeunes dans les dispositifs de droit commun, le manque d’ambition pour ce secteur.

Concernant la modification de l’arrêté organisant la formation des éducateurs stagiaires en deux ans, le changement de lieu de stage sur un autre service que celui ou sera affecté le stagiaire, ne règle pas la question de la garantie du respect du statut de stagiaire puisque celui ci reste affecté sur un poste vacant. La formation initiale de éducateurs doit retrouver sa dimension réflexive et intégrative, seule garante d’aider à la construction de l’identité professionnelle de ce métier. http://snpespjj.fsu.fr/wp-content/spip/snpespjj/IMG/pdf/dec…