Déclaration préliminaire CTC du 26 mai 2020
Pas de retour à l’anormal !



Il est encore trop tôt pour faire un bilan de cette période de confinement et ce CTC, par le décalage de notes proposées pour avis alors qu’elles sont déjà appliquées apparaît comme une mascarade. Les périodes confinement/déconfinement progressif/ reprise d’activité sont trop précipitées et pas assez anticipées, ce qui ne permet aucun dialogue social et entraîne la mise en place de décisions locales irréfléchies. Les documents de ce jour sont déjà en application et presque déjà obsolètes sur une partie des dispositions.

Cette façon de travailler enferme tous les échelons hiérarchiques dans l’urgence d’agir, d’organiser, ce qui paralyse la pensée professionnelle et transforme les personnels en simples exécutant.e.s. Beaucoup d’énergie est dépensée pour valider une organisation qui ne sera effective que 15 jours, avec peu d’éléments pour anticiper la suite et sans répondre réellement aux préoccupations des agents et aux besoins du public accompagné.

Nous savons seulement que la PJJ d’après le déconfinement ne devra pas rester la même que celle que de nombreu.se.s professionnel.le.s ont combattue lors d’un mouvement social d’une durée exceptionnelle qui a précédé la crise sanitaire. C’est pourquoi, le SNPES-PJJ/FSU soutient le 16 juin la manifestation des collectifs et syndicats du secteur de la santé pour la revalorisation conséquente des salaires et une augmentation tout aussi conséquente du nombre de lits. Le secteur social et la PJJ partagent avec la santé nombre de préoccupations salariales communes et de réalités dans l’affaiblissement de leur service public et la déshumanisation de leurs missions.

Quant à la PJJ, elle devra retrouver sa dimension protectrice et les mesures au civil : le confinement a bien montré le besoin des jeunes que nous accompagnons d’être protégé.e.s par une place en foyer, une prise en compte des violences familiales au domicile, des informations sur leur santé, des moyens pour pouvoir rester en lien avec l’école ou l’insertion, des aides financières et matérielles pour faire face à la grande précarité, des orientations vers les services d’urgences psychiatriques.

Or, nous regrettons fortement, qu’au contraire, notre administration se centre sur l’application des peines (consigne d’appliquer rapidement les lois de programmation justice, places d’hébergement à nouveau réservées en priorité pour les déferrements) et ne soit pas en capacité de prendre la mesure de ce que le confinement a révélé au grand jour. Derrière cette absence de volonté de renforcer les missions éducatives, la DPJJ dessine un projet de mise en cause méthodique de l’institution en la faisant glisser sur un versant probatoire et répressif.

Dans la note de cadrage DPJJ sur la période d’activité en date du 6 mai 2020 que vous proposez pour avis, deux points sont inentendables pour nous :

- la non reprise d’activité progressive des UEAJ et la mise à disposition des personnels des UEAJ pour le MO et l’hébergement. Les personnels des UEAJ ne sont ni des variables d’ajustement RH, ni des animateur.trice.s spécifiquement chargé.e.s de mettre en place des médias éducatifs pour occuper les jeunes des hébergements. Ce qui a été pensé pour eux et elles est d’un mépris incroyable et l’exigence de retrait de la comptabilisation dans GAME des jeunes qui ne sont pas pris en charge dans le cadre des MEAJ est un scandale !Les UEAJ doivent conserver un rôle et une place fondamentale dans l’accompagnement des jeunes les plus en difficulté au niveau de leur insertion sociale et professionnelle.

C’est en cela qu’elles sont un soutien indispensable aux services de MO et d’hébergement.

La plupart des locaux d’UEAJ étant aménageables pour la reprise d’activité, nous exigeons qu’elles puissent reprendre une activité progressive comme les autres services.

- L’appropriation rapide par les agents de nouveaux dispositifs d’aménagement de peines et d’alternatives à l’incarcération, issus de la loi de programmation pour la justice.

Il est inadmissible que des textes qui modifient aussi profondément nos missions éducatives n’aient pas été présentés aux organisations syndicales. Nous remettons fortement en cause l’aspect prioritaire de ces questions en cette période. Le SNPES-PJJ/FSU a toujours défendu la limitation de l’enfermement et l’importance des alternatives à l’incarcération qui ne participent pas de l’alourdissement des parcours judiciaires. Ces dispositifs prévus par cette loi n’ont pas été pensés pour des adolescent.e.s, souvent en difficulté, dont le développement psychique est en construction. En l’état, ils contribuent, en plus, à augmenter les prérogatives probatoires des professionnel.le.s au détriment de l’essence même de leur mission éducative.

De toute façon, la DPJJ n’est pas à une contradiction près et doit assumer qu’elle n’est pas actuellement en capacité de les mettre en œuvre à moyen constant, que ce soit pour les placements extérieurs, des TIG adaptés aux mineur.e.s, des stages ou des sursis probatoires renforcés. Quel est le sens de placer les agents dans des injonctions paradoxales et des impossibilités de faire ?

Au sujet de la dépêche relative au renforcement des instances de coordination et des dispositifs d’évaluation et de suivi des enfants en danger ou en risque de l’être (…)

Pour le SNPES-PJJ/FSU, systématiser les « MJIE courtes » même de manière temporaire constitue un fâcheux précédent. Nommer cette enquête rapide « MJIE » serait un détournement de sa fonction et de son rôle, sans gage d’efficacité. Nous avons défendu à maintes reprises la nécessité du temps pour évaluer une situation, son évolution et la capacité des jeunes et des familles à se saisir de leurs ressources propres. De plus, la pluridisciplinarité ne peut se déployer sans prendre le temps du recul nécessaire à un travail de qualité. Par ailleurs, nous dénonçons l’emploi abusif des dispositifs qualifiés d’expérimentaux qui s’avèrent devenir pérennes avant même toute évaluation. Pour l’administration cette disposition viserait à permettre d’absorber une éventuelle augmentation des MJIE. Nous défendons au contraire que le seul moyen de faire face à cet afflux de mesure est le recrutement massif de titulaires, éducateur.trice.s, psychologues et ASS.

Nous pourrions être favorables à la présence d’un professionnel PJJ pour participer à l’évaluation des situations préoccupantes, car la PJJ a toute sa place en matière de protection de l’enfance, à condition que cette disposition ne se mette pas en place à moyens constants.

Dès la présentation du projet de loi de programmation justice (LPJ), le SNPES-PJJ/FSU a dénoncé avec force la destruction d’un service public de qualité : la disparition des tribunaux de proximité, la privatisation de certains contentieux, la dématérialisation de certaines saisines malgré la fracture numérique, l’éloignement des justiciables les plus modestes des instances de justice, le recul sans précédent du contrôle de l’autorité judiciaire sur le travail policier, le renforcement de la place de l’emprisonnement au sein du système judiciaire.

Nous rappelons que l’administration n’a jamais transmis aux organisations syndicales ni les décrets d’application de la LPJ concernant les peines, ni la note de la DPJJ du 17 avril 2020 en portant instruction quant à sa déclinaison aux mineur.e.s. alors même que ces nouvelles dispositions renforcent durablement la dimension probatoire de la PJJ sans remettre en cause les politiques pénales qui génèrent l’enfermement.

Sur la base de l’ensemble de ces arguments, nous boycottons aujourd’hui ce CTC.

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