Lors du Comité Technique Central du 18 février 2016 sur la note relative « à l’action de la PJJ dans les parcours d’insertion scolaire et professionnelle des jeunes confiés », la délégation du SNPES-PJJ/FSU n’a eu de cesse de pointer le manque d’ambition de la DPJJ pour le secteur de l’insertion. Elle a inlassablement visé l’absence de référence aux Unités Éducatives d’Activités de Jour et aux professeur-es techniques. Pour nous, cette note marquait les limites de la politique éducative de la DPJJ, comme nous l’indiquions dans notre déclaration liminaire.
Tout au long de ce CTC, la DPJJ, nous renvoyant à nos erreurs d’analyse sur la note, a tenté d’établir une convergence de vue sur cette question.
Et pourtant… Lors de la CAP des PT le 29 juin 2016, de façon extrêmement brutale, le DRH de la PJJ a annoncé l’arrêt définitif du recrutement des PT ce qui conduirait à terme à l’extinction de ce corps. Lors de l’audience en intersyndicale avec la directrice de la PJJ, ce projet a été confirmé (voir compte rendu intersyndical de l’audience). Il a aussi envisagé leur remplacement par des « éducateurs techniques », corps qui n’existe d’ailleurs pas à la PJJ.
Dans un contexte d’accès à l’emploi extrêmement difficile, surtout pour les plus jeunes et les moins qualifié-es, il est pourtant de la responsabilité de l’État, parallèlement à celle des collectivités locales, de renforcer la politique en faveur des plus fragilisé-es. Une grande majorité des parents des adolescent-es pris en charge par la PJJ sont dans une situation sociale dégradée. La PJJ a un rôle à jouer dans l’insertion des jeunes qui lui sont confié-es et qui, pour un certain nombre d’entre eux, ont été exclus des dispositifs de droit commun.
La situation actuelle de l’insertion à la PJJ
Le secteur de l’insertion, plus petit secteur de la PJJ, a payé le plus lourd tribut à la RGPP. Elle a eu pour conséquence la destruction de 2/3 des UEAJ. Des projets porteurs, reconnus, ayant fait leurs preuves auprès d’adolescent-es en difficulté, ont été abandonnés, sans état d’âme. De plus, la politique de la PJJ de prépondérance du « faire avec » et du D2A avec sa philosophie sous-jacente de contrôle permanent des jeunes et d’obligations pour les adolescents comme les personnel-les, a contribué à aggraver le saccage du secteur de l’insertion. Le cahier des charges adopté parallèlement a posé un cadre rigide et a ôté la souplesse nécessaire à l’élaboration de projets, tout en ne respectant pas les affectations en personnels.
La DPJJ actuelle s’apprêterait-elle à terminer ce que les précédentes directions avaient entrepris ?
L’arrivée de cette nouvelle direction, se positionnant en défense des missions éducatives de notre institution, nous avait laissé entrevoir des espoirs de reconstruction pour ce secteur. Pourtant, dès la note d’orientation de septembre 2014, nous avions fait l’analyse que l’insertion n’était pas la priorité de la DPJJ, les budgets contraints n’étant pas la seule justification. En effet, des désaccords politiques sur la place de l’insertion et ses missions étaient déjà perceptibles. Il a, par exemple, fallu attendre décembre 2015 pour que la DPJJ accepte d’abroger la circulaire sur les activités de jour (sans que la pression sur les MO pour mettre en place des « activités » soit, elle, allégée…). Pour aboutir à la note du 18 février 2016 et à l’annonce, à terme, de la disparition du corps des PT !
L’audience intersyndicale a mis, en partie, en lumière les raisons du silence de la DPJJ : à l’occasion de la réforme de la formation professionnelle en 2014, l’existence même des UEAJ auraient été questionnée, ce secteur ne relevant plus des compétences de l’État, mais des conseils régionaux. La DPJJ n’aurait donc eu d’autre choix que de faire la démonstration d’une utilité spécifique centrée sur l’action éducative ne nécessitant pas la présence d’enseignants. C’est dans cette ambivalence là que la PJJ serait désormais entraînée…
La présence des professeur-es techniques dans les UEAJ relève d’une nécessité pédagogique et éducative
Les Professeur-es Techniques font partie intégrante de l’institution depuis sa création. Ils étaient présents à l’Éducation Surveillée, sous un autre qualificatif (instructeurs techniques) et un autre statut. Le 19 décembre 1996 a été validé le nouveau statut des professeur-es techniques. En raison du contexte économique et des difficultés d’apprentissage des adolescent-es, celui ci met l’accent davantage sur la logique d’insertion que sur l’enseignement professionnel.
Les PT sont des enseignant-es, formé-es à l’action éducative. Ils-elles sont à même de mettre en place des pédagogies spécifiques, destinées à des jeunes qui n’ont pas pu « apprendre » et qui ont développé, au regard des difficultés qu’ils ont rencontrées durant leur scolarité, des résistances qu’il faut pouvoir dépasser.
Si ces adolescent-es arrivent dans un UEAJ, c’est qu’ils-elles n’ont de place nulle part et ce, parfois, depuis des années, parfois même avant 16 ans, fin de la scolarité obligatoire. Ainsi, renvoyer systématiquement à la nécessité pour ces jeunes d’être inscrit-es dans les dispositifs de droit commun est une vaine injonction si notre institution ne dispose pas des moyens pour les y préparer et les y accompagner.
Les PT mettent en place des pédagogies spécifiques
La grande majorité de ces jeunes n’ont pas acquis les savoirs fondamentaux dispensés à l’école primaire. C’est pour cette raison que la DPJJ, a la fin des années 1990, a recruté des PT « savoirs de base ». Il était démontré qu’avec ces jeunes, pratiquer d’emblée une pédagogie de « comblement des lacunes », fondée sur la répétition des apprentissages, apparaissait inopérante et qu’il y avait nécessité à appliquer une pédagogie adaptée.
Les PT de spécialité professionnelle, quant à eux, enseignent les gestes et techniques professionnels et les savoirs fondamentaux de leur spécialité. C’est par la technique qu’ils-elles construisent la relation éducative qui leur permettent la construction des parcours d’insertion.
Le remplacement des PT par des éducateur-rices nie la maîtrise de ces outils techniques et leur utilité. C’est la négation des compétences spécifiques des PT ! Et à court terme, la disparition des ateliers professionnels, qualifiants ou non.
PT en UEAJ : une garantie essentielle de crédibilité
Les jeunes pris en charge par la PJJ ont souvent été exclus d’autres institutions et ont des parcours de rupture et/ou d’échecs répétés. Ils-elles ont souvent peu confiance dans les institutions et présentent souvent une forte dévalorisation d’eux-mêmes. Pour que ces adolescent-es acceptent de se rendre dans ces structures d’insertion, il faut que celles ci aient fait la preuve de leur crédibilité, la présence des PT en est la composante essentielle. Même si ce n’est pas « une vraie école » comme ils-elles le disent parfois, il faut pouvoir démontrer la plus value que constitue, pour eux, une admission dans un UEAJ.
Absence de PT = absence de pluridisciplinarité : les seuls professionnels qui permettent l’existence quotidienne de la pluridisciplinarité à l’insertion sont les PT. Même si certaines équipes parviennent à obtenir quelques heures par semaine, l’intervention d’un-e psychologue.
Le regard croisé de professionnels de champs différents est essentiel en milieu ouvert et à l’hébergement. … il l’est tout autant à l’insertion.
Extinction du corps des PT et situation des personnels :
La situation des contractuel-les PT est extrêmement préoccupante au regard des annonces de disparition progressive du corps.
De plus, la titularisation des contractuel-les par le biais du dispositif Sauvadet dans ce contexte affiche le paradoxe de la position de la DPJJ. Sommée de par la loi, de titulariser les PT répondant à certains critères, elle annonce dans le même temps, la fin de ce statut. A ce jour, aucune information sur l’organisation d’un nouveau concours réservé n’a été faite.
La DPJJ en prévoyant d’accompagner les PT vers d’autres directions ou ministères nie totalement l’attachement des personnel-les à cette institution et à leurs missions.
Ces annonces sont un discrédit supplémentaire au travail fait. Depuis de nombreuses années, les agents des UEAJ doivent justifier constamment de leur intervention, de leur activité, de la présence ou de l’absence de jeunes. Les dernières annonces ne sont que les répétitions d’attaques déjà subies.
C’est ainsi que cette annonce peut produire plusieurs effets dommageables pour l’institution : déstabilisation et insécurisation des personnel-les de l’insertion, incitation à la mobilité hors institution des titulaires PT, recrutement de professionnels sur des mêmes fonctions, mais avec un statut moins intéressant financièrement, un faux espoir pour tous les collègues éducateur-rices qui aujourd’hui pallient bon-an mal- an les déficits de PT, en assurant des ateliers. Ces dernier-ères peu reconnu-es dans leurs travaux pourraient s’imaginer trouver là une forme de reconnaissance. Il faudra y prendre garde, car il est peu probable que la DPJJ puisse opérer cette réelle reconnaissance en dehors de tout statut s’appuyant sur des diplômes et une formation.
Le SNPES-PJJ/FSU exige que les UEAJ restent des lieux d’acquisition des savoirs et d’apprentissage. Pour cela il affirme que la présence des professeurs techniques est obligatoire. A défaut de quoi, la DPJJ abandonnerait l’insertion professionnelle au profit d’activités plus « occupationnelles ».
Le SNPES-PJJ/FSU exige que la DPJJ revienne sur sa décision d’arrêt du recrutement des PT car cela constitue, selon nous, une perte de sens concernant le travail des UEAJ et la spécificité du travail de la PJJ auprès de ces mineurs.
L’audience intersyndicale du 6 juillet 2016 a confirmé le profond désaccord existant entre le SNPES-PJJ/FSU et la DPJJ sur l’insertion. Au-delà de la manière soudaine et brutale dont les annonces ont été faites, c’est bien la conception même du rôle des UEAJ et de la place des professeur-es techniques qui apparaissent en décalage avec les besoins des jeunes confiés à la PJJ.
Afin de signifier fermement notre opposition à ce projet, d’exiger une politique ambitieuse qui passe par la reprise du recrutement des PT, la délégation du SNPES-PJJ/FSU n’a pas siégé lors du Comité Technique Central du 7 juillet. Elle ne siégera pas non plus lors de sa re-convocation le 12 juillet.
Le SNPES-PJJ/FSU appellera, dès la rentrée de septembre, les professionnel-les de tous les secteurs, à se mobiliser afin de défendre un secteur de l’insertion autonome, ayant les moyens en agents comme en budget, pour la mise en place de projets novateurs et adaptés aux difficultés des adolescent-es.
Paris, le 11 juillet 2016http://snpespjj.fsu.fr/wp-content/spip/snpespjj/IMG/pdf/tra…