Les délégué-es du congrès national du SNPES-PJJ/FSU réuni-es à Martigues, soutiennent la mobilisation de l’ensemble des travailleurs sociaux mobilisés le 25 juin 2021 à l’occasion de la convocation à Nantes des assises de la Protection de l’enfance.
En tant que salarié-es du service public d’éducation qu’est la Protection judiciaire de la jeunesse et intervenant dans le domaine de la protection de l’enfance et de la justice des mineurs, nous ne resterons pas silencieux face au constat que nous dressons au quotidien. Le manque de moyens et d’ambitions pour notre jeunesse la plus en difficulté impactent directement l’obligation de protection et d’éducation des enfants dont nous devons assurer l’accompagnement éducatif.
Dans ce contexte particulièrement oppressant, les professionnels ne se reconnaissent plus dans des demandes centrées en permanence sur l’urgence, la réponse administrative ou judiciaire, le chiffre et les gestions comptables. La volonté d’afficher des réponses pénales fortes impacte fortement le temps essentiel de l’accompagnement, de soutien et d’élaboration collective et inter-institutionnelle.
Nous restons aussi stupéfaits du silence institutionnel (ASE, PJJ) et politique qui entoure ces manquements graves, silence parfois imposé par des discours internes du « devoir de réserve » des agents, ou qui peut se traduire par un repli sur soi des personnels de terrain ou une désertion de certains champs d’action, de réflexion.
Au niveau national le Ministère de la Justice et le gouvernement ont fait adopter par un passage en force un nouveau « Code de la justice pénale des mineurs (CJPM) » sans aucune concertation avec les personnels de terrain, mais surtout en manquant l’occasion d’intégrer dans un même texte la protection de l’enfance et la justice des mineurs.
Ce nouveau code renforce la scission entre Protection de l’enfance et « mineurs délinquants » qui se traduit déjà au quotidien dans des parcours chaotiques où la continuité de la prise en charge est souvent oubliée. L’idée d’une réponse pénale plus rapide est un des éléments de ce code, qui semble totalement oublier que la « lenteur » de la justice est avant tout liée à un manque criant de moyens humains et matériels.
Bientôt, les lieux de placement éducatifs seront majoritairement formatés dans une idée d’éloignement et d’enfermement. L’enfant est alors présenté et stigmatisé par son passage à l’acte, où son histoire, son parcours de vie, les problématiques économiques et sociales sont minimisés au profit de réponses judiciaires pénales répressives. Nous dénonçons la multiplication des mesures de probation, ou de placement dans des lieux privatifs de libertés comme les centres fermés. Cette logique de « redressement moral » repose sur une vision comportementaliste de l’éducation, logique qui dégagerait de toute responsabilité sociale l’état et les collectivités territoriales.
Dans le quotidien cela peut se concrétiser par :
Des décisions judiciaires de protection de l’enfance (placement ou assistance éducative) restant inappliquées ou retardées par manque de moyens humains et d’accueil. Des enfants laissés à domicile dans un contexte de danger avéré, des jeunes adolescents placés en hôtel faute de place en institution…
des placements dans des structures inadaptées au profil du jeune, par défaut de diversité ou de places
un travail indispensable d’information, d’intégration des familles dans le processus éducatif souvent « oublié », dans le stress du quotidien de travail.
L’éloignement géographique de jeunes, faute de structures de proximité, sans véritable projet éducatif.
Un traitement inhumain des jeunes étrangers isolés (mineurs ou jeunes majeurs), dont les difficultés spécifiques sont invisibilisées, faute de véritable prise en charge éducative. Ces jeunes font l’objet de décisions administratives maltraitantes (dispatching, quotas…) et victimes d’une politique pénale particulièrement répressive et discriminatoire.
La multiplication et la banalisation des peines d’enfermement, bien que souvent assorties de sursis. Le recours généralisé au Travail d’intérêt général (TIG) ou du Travail non rémunéré (TNR), mesures présentées comme vecteur d’insertion… Est-ce annonciateur de l’avenir que leur promet notre société ?
Une orientation du Code de la justice des mineurs qui se calque de plus en plus sur la justice des majeurs, dans un modèle qui reste avant tout orienté sur la répression, la sécurité et où le Parquet aura une place de plus en plus importante.
Faut-il sacrifier la jeunesse la plus en difficulté, la plus en souffrance, sur l’autel de la finance, de l’idéologie, ou du silence ?
Faut-il rendre seuls responsables des enfants, par exemple de trafics de stupéfiants inquiétants et souvent violents, alors qu’ils en sont les premières victimes ? (menaces, pressions, sentiment de relégation social et économique entraînant une recherche d’appartenance à un groupe…) Peut-on continuer à punir, sans réponses globales, sociales, économiques ou politiques, en renvoyant à la seule responsabilité individuelle ?
Peut-on laisser les professionnels de terrain dans ce sentiment d’épuisement, d’abandon institutionnel et politique, sans moyen d’exercer sereinement leur métier, subissant une pression constante, là où il faudrait du temps, de la réflexion et des moyens ? Les professionnels de terrain doivent-ils rester loyaux à leur employeur, ou avant tout à leurs missions et métiers auprès des enfants en difficulté ?
Cette jeunesse reste l’avenir de notre société. Demain adulte, comment peut-elle se construire dans ce sentiment de relégation, d’abandon, de stigmatisation qui leur est imposé ? Quels citoyens seront-ils demain ? Il s’agit de l’urgence d’une protection immédiate de cette jeunesse, mais aussi d’un investissement humain à long terme dans la construction d’une société plus apaisée.
Lire la motion……http://snpespjj.fsu.fr/wp-content/spip/snpespjj/IMG/pdf/mot…