Le SNPES-PJJ/FSU a rencontré des parlementaires du NFP le 21 janvier dernier en présence de ses partenaires historiques que sont le Syndicat de la Magistrature, le Syndicat des Avocats de France et l’Observatoire International des Prisons.

Veuillez trouver ci-joint la tribune que nous signons ensemble à l’issue de cette rencontre, parue ce jour dans le quotidien « L’humanité » pour dénoncer le texte du député Gabriel Attal sur la justice des mineurs, qui n’est qu’une dérive répressive de plus du Gouvernement, qui ne règlera ni la question de la délinquance des enfants, ni celles des violences qu’ils subissent. Il s’agit de la première étape d’un travail commun qui se poursuivra dans les semaines à venir.

Lire la tribune….https://www.humanite.fr/en-debat/enfance/justice-des-mineurs-lenfance-ne-doit-pas-etre-sacrifiee-sur-lautel-des-obsessions-autoritaires

Nous parlementaires, syndicalistes, acteurs de la protection de l’enfance, professionnels de justice, dénonçons le texte du député Gabriel Attal sur la justice des mineurs, qui n’est qu’une dérive répressive de plus du Gouvernement, qui ne règlera ni la question de la délinquance des enfants, ni celles des violences qu’ils subissent.

« Tu casses, tu répares. Tu salis, tu nettoies »

« Tu casses, tu répares. Tu salis, tu nettoies ». Il y a un an, Gabriel Attal s’adressait ainsi à la jeunesse du pays. Depuis la tribune de l’Assemblée nationale, celui qui était alors Premier ministre, tel un parent fâché qui tente de hausser le ton, annonçait un nouvel arsenal répressif pour la justice des mineurs. Création d’une procédure de comparution immédiate pour les enfants, fin de la prétendue « excuse de minorité », la proposition de loi du député Attal accélère un virage répressif déjà à l’œuvre depuis la création du code de la justice pénale des mineurs.

François Bayrou a repris à son compte cette proposition de loi dans sa déclaration de politique générale. Pourtant, son contenu divise largement, y compris son propre camp, et pour cause : le bilan de la politique du tout-répressif est désastreux. Selon les sources ministérielles, plus on sanctionne sévèrement un mineur par des peines longues, plus il récidive, et vite, après avoir purgé sa peine.

Ce texte méprise nos connaissances sur le développement de l’enfant, qui fondaient l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs : un enfant n’a pas le même discernement entre bien et mal, conscience du danger et du respect de la loi qu’un adulte. Vouloir juger ses actes sans tenir compte de ce fait scientifique est une grave régression sociale et philosophique.

Stigmatiser les parents est l’arbre qui cache la forêt des défaillances de l’État

Le texte ne se contente pas de cibler les enfants, il s’en prend également aux parents. En effet, la proposition de loi permet de condamner les parents pour les actes commis par l’enfant, si les parents sont considérés défaillants face à leurs obligations. La création d’un tel délit, non seulement stigmatise et accable des parents déjà en difficultés éducatives, mais invisibilise totalement la responsabilité de l’État et des départements dans la prévention de la délinquance des mineurs.

En effet, environ la moitié des mineurs pris en charge pénalement font ou ont fait l’objet d’un suivi au titre de l’enfance en danger. Ce sont avant tout des enfants à protéger, tâche qui incombe aux départements et à l’État par la politique publique de protection de l’enfance. Or, ce service public est aujourd’hui sinistré. Dans certains départements, des parents et des enfants qui ont besoin d’aide, qui font l’objet d’une mesure éducative ordonnées par un juge, attendent plus de 18 mois pour qu’elle soit prise en charge. Des centaines de placements ne sont tout simplement pas exécutés, laissant des situations déjà dangereuses se dégrader. Le premier parent à être défaillant est bel et bien l’État.

Une politique de l’enfance sans autre boussole que flatter les obsessions autoritaires

Les Gouvernements successifs d’Emmanuel Macron ont en commun une politique de l’enfance défaillante. Car le fait majeur n’est pas la criminalité des mineurs, qui recule de manière constante, mais bien les crimes dont ils sont victimes. Un enfant meurt tous les cinq jours dans le cadre familial. 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année. Face à ce phénomène massif qui devrait être une urgence nationale, l’État n’offre que son silence, au bout de la ligne d’un énième numéro vert.

Alors quoi de mieux qu’agiter l’épouvantail de la délinquance pour cacher l’ampleur de l’effondrement de la protection de l’enfance ? En focalisant le débat sur une jeunesse qui serait « ensauvagée » et en guerre contre « l’autorité », le Gouvernement flatte les obsessions sécuritaires de la droite et l’extrême-droite. Deux groupes politiques dont il a aujourd’hui cruellement besoin pour se maintenir au pouvoir. L’enfance est devenue un pion de l’échiquier politique d’Emmanuel Macron, au détriment de milliers de familles et d’enfants.

Nous refusons cette énième instrumentalisation et dérive autoritaire du Gouvernement. Nous appelons au rejet de ce texte brutal et promis à l’inefficacité. Pour prévenir véritablement les violences commises par les enfants comme celles dont ils sont bien plus massivement victimes, il faudra remettre le travail éducatif au centre et reconstruire la protection de l’enfance. Nous rappelons à l’État que l’ordonnance de 1945, qui a inspiré le code de justice pénale des mineurs, impose de considérer qu’un enfant délinquant est d’abord un enfant en danger, qu’il doit protéger.

Signataires :

Marianne Maximi, députée La France insoumise

Le Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES-PJJ/FSU)

Elsa Faucillon, députée Gauche Démocrate et Républicaine

Le Syndicat des Avocats de France

Jean-François Coulomme, député La France insoumise

Le Syndicat de la Magistrature

Ugo Bernalicis, député La France insoumise

Pouria Amirshahi, député Écologiste et Social Verts