Après avoir été démantelée et mise à mal par des politiques publiques d’austérité, un consensus semble s’être dégagé aujourd’hui sur l’urgence de moyens accrus pour la Justice de notre pays. Pour qu’enfin elle redevienne un véritable service public de qualité au service des citoyen.nes. Mais qu’en est-il réellement ?

En pleine mobilisation massive contre le projet de régression sociale des retraites, M Dupont-Moretti, garde des Sceaux, est en visite, ce jour, à la fois au tribunal de Carpentras et dans un service de la Protection Judiciaire de la Jeunesse à Avignon. Il aura beau jeu de mettre en avant un budget historique pour la Justice, cependant, la réalité est encore bien loin de l’efficience recherchée, surtout quand une large part de ce budget est accordée à la construction de prisons ou de centres fermés.

L’organisation des états généraux de la Justice aura été avant tout un gadget au profit d’une campagne électorale. Faire semblant d’écouter « démocratiquement » tout en poursuivant exactement sa visée propre et en se gardant bien de partir du réel, ne répondra jamais aux problèmes des terrains.

Et pourtant, le diagnostic sur la justice est posé depuis longtemps, par les professionnel.les de justice eux-mêmes, qui sont chaque jour au contact des justiciables. Une institution « au bord de la rupture », qui ne parvient plus à trancher les litiges dans des conditions décentes et des délais raisonnables et ne protège plus les personnes les plus fragiles. Les parquets submergés sont « sous extrême tension », les acteurs.trices de la justice sont « en souffrance », les prisons surpeuplées avec des taux d’incarcération historiques à ce jour. Le constat est simple : la remise à niveau substantielle des moyens donnés à la justice est un préalable pour fonctionner, mais cela ne suffira pas.

Si les magistrat.es, fonctionnaires de greffe, éducateurs.trices de la PJJ étaient plus nombreux.ses, on pourrait enfin parler de véritables moyens donnés à la justice de ce pays. Cela, non seulement pour rendre des décisions après avoir pris le temps d’écouter les justiciables et d’étudier les évolutions du droit, après en avoir délibéré de manière collégiale, mais aussi pour prendre le temps d’échanger de manière fluide avec les autres professionnel.les et partenaires qui concourent à la justice. En un mot, pour retrouver le sens premier de leurs fonctions. Les réformes doivent permettre à la justice de retrouver la confiance perdue en tant que service public et sa crédibilité en tant qu’autorité judiciaire.

Pour la PJJ, la hausse du budget 2023 pourrait être une bonne nouvelle, si elle ne correspondait pas aussi à la poursuite du plan de construction des Centres fermés et à un partenariat complètement surréaliste avec les armées. Définies comme la « dernière chance avant la prison » ou comme « sas après la prison », les centres fermés reposent sur une pensée magique qu’en éloignant de son environnement et en enfermant un adolescent en difficulté, il serait possible de le stopper dans ses passages à l’acte, de le protéger contre son gré et de le mettre en activité pour l’insérer ou le réinsérer, le tout en six mois. Il n’en est rien.

Dans son dernier rapport d’activité, publié le 2 juin dernier, Madame Simonnot, CGLPL(contrôleuse générale des lieux privatifs de liberté, « recommande le report du projet de création de 20 CEF supplémentaires dans l’attente d’une correction dûment évaluée des fragilités du dispositif et en raison du caractère exceptionnel que doit conserver le placement en CEF ». Un rapport du Sénat de décembre dernier va dans le même sens. Mais rien n’y fait, le garde des Sceaux entend poursuivre son plan contre l’avis de tous et toutes. Dans le Vaucluse, à Apt, le projet de Centre fermé pour adolescentes, porté par le groupe SOS, a pris du plomb dans l’aile depuis que des citoyen.nes ont engagé un recours au tribunal administratif contre ce projet. Entre absence de concertation et erreur d’analyse, les mêmes causes entrainent les mêmes conséquences.

Ces structures, malgré l’échec de leurs fonctionnements, restent aussi de véritables gouffres financiers. Avec en moyenne, 26,5 équivalents temps plein pour 12 jeunes, le coût de journée est de 672 euros par jeunes, que ce soit le secteur public ou le secteur habilité associatif, ce qui en fait un des plus élevés parmi les modes de placement. Pour rappel, il est de 569 euros pour les foyers classiques et de 13 euros pour les services de milieux ouverts. 4, 2 millions d’euros de crédits ont été fléchés dans le cadre du programme de création de 5 nouveaux centres fermés du secteur public. Si l’objectif de création de 20 centres fermés supplémentaires devait aboutir, il y aurait plus de centres fermés que d’hébergements classiques à la PJJ.

Nous demandons la fermeture de ces structures au bénéfice de structures éducatives ouvertes et l’arrêt du partenariat avec les armées.

Le garde des Sceaux vient aussi à la rencontre des professionnel.les de la justice des mineur.es plus d’un an après la mise en application du code de Justice Pénale pour Mineurs. Là aussi, le constat ne permet nullement de voir une quelconque amélioration pour la justice des mineurs. Bien au contraire. Le plus gros service de milieu ouvert d’Avignon est depuis la mise en route du CJPM en grande difficulté. Il a fallu un préavis de grève pour obtenir des moyens supplémentaires et une écoute des professionnel.les. Mais le constat global d’une augmentation du carcan procédural au détriment de l’accompagnement des jeunes en grande difficulté est de plus en plus prégnant. Tandis que le tribunal de Carpentras est sous l’eau face aux multiplications des audiences et des bouleversements procéduraux…. Sans moyens adéquats.

Nous demandons, plus de moyens pour les greffes des tribunaux judiciaires, en particulier les greffes des tribunaux pour enfants, notamment pour assurer leurs missions en matière d’assistance éducative, des référentiels concertés et tenant compte de la réforme du CJPM pour l’évaluation de la charge de travail des TPE (greffes et magistrats).

Nous demandons des lieux de placement éducatifs avec des formes différentes de prises en charge à la PJJ, dans le secteur associatif et à l’ASE car il n’est plus acceptable de voir le foyer de l’enfance accueillir du public dans ces conditions, une baisse des normes dans les services de milieu ouvert, plus de projets d’insertion en valorisant les équipes des terrains qui construisent des projets partenariaux avec les associations et l’Education Nationale, comme celles que le garde des Sceaux vient visiter et, pour finir, des revalorisations salariales et le Ségur pour tous les personnels exclus de cette revalorisation.

Une délégation intersyndicale doit être reçue par le directeur de cabinet du ministre à 15h30. Nous attendons du ministre des réponses sur l’ensemble de ces points.

Lire le communiqué unitaire…..http://snpespjj.fsu.fr/wp-content/spip/snpespjj/IMG/pdf/comm…