Article du Lien Social Décryptage N° 1224 du 6 mars 2018 Par Marianne Langlet

PJJ L’intention terroriste et l’adolescent

A la Protection judiciaire de la jeunesse, les éducateurs suivent des mineurs poursuivis pour intention terroriste.

« Ils sont devenus la priorité de la protection judiciaire de la jeunesse ». Nathalie Caron est éducatrice PJJ et co-secrétaire nationale du syndicat national des personnel de l’éducation et du social (SNPES-PJJ/FSU), lors du colloque sur l’enfermement des mineurs, organisé à l’occasion de l’anniversaire de l’ordonnance de 45 (1), son témoignage sur la prise en charge des mineurs poursuivis pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (AMT) révélait ce travail complexe des éducateurs.

Trente-trois mineurs étaient suivis, au 1er novembre 2017, dans le cadre d’une AMT : 16 étaient détenus dont deux filles, 17 sous contrôle judiciaire dont 10 placés dans des institutions type centre éducatif fermé. « Ils représentent moins de 1% des prises en charge par la PJJ et pourtant les moyens déployés sont disproportionnés » avance Nathalie Caron. Selon le rapport d’activité pour 2016 de la mission nationale de veille et d’information (MNVI) « la majorité des situations recensées relèvent d’attitudes de provocation, sans fondement idéologique ou politique, avec une grande méconnaissance de la religion ». La mission souligne que ce public est « hétérogène, majoritairement non connu de la PJJ, avec une scolarité investie et de bon niveau ».

Ces situations nouvelles pour les éducateurs s’inscrivent dans un cadre juridique complexe puisque ces poursuites pour AMT sanctionnent une « intention terroriste » mais pas de passages à l’acte terroriste. Pourtant, dans un contexte anxiogène, l’enfermement de ces adolescents en établissement pour mineurs (EPM) ou en quartier pour mineurs (QM) est quasi systématique. Leur détention est également plus longue : la loi de juillet 2016 prolongeant l’état d’urgence porte de un à deux ans la durée maximum de détention provisoire pour les mineurs concernés par une AMT.

Surinvestissement

Systématiquement suivis par le pôle anti-terroriste de Paris, ces jeunes, quelle que soit leur région d’origine, sont présentés à l’unité éducative auprès du tribunal de Paris où une mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) est prononcée. Cette mesure pluridisciplinaire, de six mois non renouvelable, réunit un éducateur, un psychologue, une assistante sociale autour de la famille et de l’enfant pour « les mobiliser dans une réflexion sur les faits reprochés, sur ce qu’ils sont venus signifier dans la dynamique familiale » explique Nathalie Caron. Dans le cas des jeunes poursuivis pour AMT, cette MJIE a la particularité d’être attribuée à deux équipes d’un service éducatif pour croiser deux approches dont l’une est systémique. Si pour la MNVI ce croisement est « une richesse », pour les éducateurs PJJ représentés par le SNPES : « La multiplication des intervenants pose question. Le jeune est donc suivi au minimum par trois équipes éducatives, deux pour la MJIE et une de l’EPM ou du QM soit au minimum trois ou quatre éducateurs, trois à quatre psychologues, deux AS ». Nathalie Caron s’interroge : « Comment le jeune peut il comprendre ce surinvestissement sur sa personne ? Quelle relation éducative peut-il investir ? » Et comment justifier ce déploiement de moyens pour les uns, quand pour les autres, la Protection judiciaire de la jeunesse ne cesse d’alerter sur le virage sécuritaire – avec un record en aout dernier de 885 adolescents emprisonnés – et le manque de moyens donnés à l’éducatif.

(1)« Une vraie alternative à l’enfermement des mineur.e.s : la liberté », 9-10 février 2018 organisé par le Syndicat de la Magistrature, le SNPES PJJ, l’Observatoire international des prisons, le syndicat des avocats de France

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