Depuis 20 ans, nous assistons à une régression sociale où les seules réponses des gouvernements sont le renforcement des lois sécuritaires, sanctionnant avant tout les plus faibles, notamment les enfants et les familles les plus pauvres de ce pays : ce sont eux que nous accompagnons au quotidien. Cette dynamique sécuritaire nous amène aujourd’hui à constater, à la PJJ, la fin de la primauté de l’éducatif et de la protection de l’enfant sur le répressif. De par la mise en oeuvre du bloc peine (loi entrée en vigueur en mars 2020) et du Code de Justice Pénale des Mineurs, présenté à l’Assemblée Nationale depuis hier, nous assistons à la fin de l’Ordonnance du 2 février 1945 et des valeurs qui y sont liées.

Dans notre département, le plus jeune de France et le plus pauvre de France métropolitaine, nous pouvons déjà anticiper les conséquences de cette logique infernale pour l’ensemble des unités, les jeunes et leurs familles, ainsi que les professionnel.le.s.

Pour faire face aux enjeux, le Projet Territorial, pensé à partir des « reporting », issus de groupes de travail et de dialogue social, relate le constat alarmant du département, « Hors Normes » : l’immobilier catastrophique, les ressources humaines avec la fuite des titulaires, le turn over important, l’augmentation de l’activité et en plus, les nombreuses prises en charge dites « retour de zones de guerre » qui continuent d’affluer sur le département du 93 depuis 2016.

Face à ces problèmes identifiés, le Projet Territorial répond essentiellement par la mise en place de ce que nous qualifions de « dispersion des problèmes » : on évalue et on oriente au maximum vers les dispositifs de droits communs et au SAH.

Nous ne sommes pas « hors sol » écrit la Direction Territoriale en introduction : qu’est-ce que nous sommes censés faire lorsque tous ces dispositifs partenaires ne répondent pas ou sont saturés, comme c’est le cas pour tous les services publics de la Seine Saint Denis ? Et même ailleurs, ce problème concerne de nombreux UEMO par exemple : que faites vous avec un jeune majeur sous MSPJ qui demande un hébergement, de quoi se nourrir, une protection qu’il n’a pas mais qu’il pourrait avoir ?

Nous contraignons des adolescents à se faire aider et puis lorsqu’ils acceptent de nous montrer leurs réalités, nous ne sommes pas en mesure d’y répondre. Combien de « mesures fictives » comme les appelaient les Juges des Enfants de la Seine Saint Denis sont attribuées sur notre département ?

Vous parlez des jeunes en « Très Grande Difficulté », de jeune en « voie de radicalisation », le problème n’est pas de les identifier comme vous semblez le dire lorsque votre premier axe de travail est « d’améliorer l’identification des problématiques ». Le problème n’est pas là, l’enjeu – selon nous ! – serait plutôt de pouvoir répondre et travailler sur ces problématiques !

Aussi, nous n’appelons toujours pas cela « des avancées considérables » (page 8) lorsque nous constatons que notre administration se félicite de déléguer de plus en plus de missions de service public au secteur habilité, plutôt que de renforcer les dispositifs de la PJJ. Ces délégations, au profit de groupes dit d’« entreprises sociales » nous questionnent sur le sens des missions du Service Public aujourd’hui et sur l’avenir de l’Institution PJJ.

Nous ne faisons que constater, de plus en plus de parcours morcelés de jeunes, faits de ruptures à tous les niveaux et au niveau institutionnel, en plus ! Que peuvent faire les professionnel.le.s, lorsqu’ils sont pris dans des logiques divergentes, lorsque ces groupes refusent tout simplement de travailler avec nos situations les plus complexes – parce qu’elles sont complexes justement, très complexes ! Vous mettez en avant la « continuité des parcours » mais que faites vous pour les garantir ?

Nous préférerions que la DT93 renforce ses compétences pour co construire des réponses adaptées aux besoins des jeunes en partenariats avec l’ensemble des acteurs de la Protection de l’Enfance et de la Prévention. Nous ne pouvons qu’être choqués par tant d’indigences du Service Public face à l’augmentation des inégalités sociales et face à des situations toujours plus complexes.

À l’image du Projet Territorial, les difficultés que nous rencontrons sur le terrain sont identifiées mais pas travaillées concrètement par les hautes instances, pour nous apporter des outils pour une prise en charge globale et adaptée.

Aussi, nous écrivions dans notre déclaration l’année dernière pour la 1ere partie de ce CTS : « Le projet territorial identifie également « la santé des jeunes et le bien être des professionnel.le.s » en axe majeur : MERCI de l’écrire, au moins !

La DT du 93 peut toujours promouvoir le « bien être au travail » ou d’évaluation des risques psycho sociaux, qu’en fera-t-elle ? Les professionnel.le.s peuvent bien consigner les pires drames dans les cahiers CHSCT, qu’est-ce que cela change en fait ? ». Un an après, est-ce que quelque chose a progressé depuis ?

Nous avons observé tout au long de cette année, de nombreuses équipes en souffrance, dans les plus grandes difficultés pour exercer leurs missions éducatives dans un cadre sensé être pluridisciplinaires. À l’UEHC de Pantin, à l’UEHC de Rosny, à l’UEQM de Villepinte, au SEAT de Bobigny, sans parler des situations individuelles pour lesquelles l’ensemble des Organisations Syndicales ici présentes sont régulièrement saisies. Force est de constater que les Risques Pyschos Sociaux persistent et même, ne cessent d’augmenter dans toutes les équipes UEMO et UEAJ aussi, du fait d’une absence de prévention et de protocole adapté pour répondre aux violences institutionnelles, sous toutes ces formes (qu’elles soient vis-à-vis des jeunes ou des professionnel.le.s).

Pour finir « accompagner la réforme de la justice pénale », nous y voilà, l’accompagnement vers le vide éducatif et les cases à remplir sont là !

Nous avons expliqué dans nos derniers tracts toutes les raisons qui font que nous ne pouvons que rejeter en bloc cette réforme qui ne dit pas son nom, l’abrogation de l’ordonnance de 45.

Plus que jamais, nous sommes en lutte contre la médiocrité des perspectives ordonnées par l’État pour la PJJ, envers les jeunes les plus en difficultés, que toutes les administrations excluent et se renvoient.

Nous ne sommes plus dans l’attente que notre hiérarchie se réveille ! Nous appelons à une mobilisation massive, hier, nous étions nombreuses.x sur le parvis du TGI de Bobigny, avec les collègues de toute l’Île-de-France, les collègues de l’ASE, les juges des enfants, les avocats, nous appelons à la solidarité entre tou.te.s les professionnel.le.s de la justice des enfants, aujourd’hui en grand danger. Nous connaissons tou.te.s les mêmes difficultés structurelles, les mêmes violences institutionnelles. A force d’attaquer notre travail, c’est le public accompagné qui souffre de tous ces dysfonctionnements, parfois jusqu’au point de rupture.

Les représentants du bureau SNPES PJJ FSU 93

Lire la déclaration liminaire…..http://snpespjj.fsu.fr/wp-content/spip/snpespjj/IMG/pdf/dl_…